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L'ascension des showrunneuses dans les séries



Les postes à haute responsabilité sont tenus par des hommes généralement blancs et hétérosexuels, c'est un fait incontestable et l'industrie sérielle ne fait pas exception à la règle. Les séries contemporaines n'hésitent cependant pas à questionner les dogmes genrés dans le développement de leurs intrigues. Cela est notamment dû à la prise de pouvoir de certaines showrunneuses qui proposent des séries singulières aux thèmes innovants et progressifs. Si la parité est loin d'être acquise, le médium sériel est actuellement friand de nouvelles voix qui vont remettre en question les normes établies et proposer aux sériephiles un contenu intelligent et en phase avec la société.

Un paysage sériel propice à une plus grande diversité

La multiplicité des acteurs sur le marché et la croissance impressionnante des séries aux États-Unis (409 ont été diffusées en 2015 soit une augmentation de 94% sur six ans) a permis un relâchement des normes en vigueur. Les diffuseurs (et notamment les nouveaux arrivants, Netflix, Amazon et Hulu) doivent s'adapter à l'évolution de la sérialité en cherchant à se démarquer de la concurrence. Une volonté va donc naître afin de se mettre à la recherche de nouvelles façons de raconter des histoires. Un nombre croissant de femmes va ainsi avoir la possibilité de monter les échelons dans la hiérarchie. Ces dernières vont pouvoir proposer des histoires qui leur tiennent à cœur, sans que cela soit considéré comme clivant pour le public.

La reconnaissance publique de Shonda Rhimes (Grey's Anatomy, Scandal, How to Get Away With Murder ...) a permis d'ouvrir des brèches. Elle est le symbole de la réussite du network ABC où ses trois séries ont bénéficié d'un slogan publicitaire ultra marketé (Thank God it's Thursday). Ses séries - en plus d'aborder des thèmes tabous - ont également instauré une esthétique (rythme ultra-rapide, twist qui joue sur notre émotivité, montage très haché) qui a une influence sur la line-up de la chaîne.

Une multitude de femmes s'illustre ainsi à la tête de séries, Ilene Chaiken (Empire), Julie Plec (The Vampire Diaries, The Originals), Liz Meriwether (New Girl), Mindy Kaling (The Mindy Project), Moira Walley-Beckett (Flesh and Bone), Ilana Glazer et Abbi Jacobson (Broad City), Amy Seimetz (The Girlfriend Experience), Melissa Rosenberg (Jessica Jones) ... La réussite de celles-ci est également remarquée par la critique, on dénote ainsi que 4 des 5 séries nominées lors des Golden Globes 2015 dans la section comédie étaient menées par des femmes (Transparent, Girls, Jane the Virgin et Orange is the New Black). Sans oublier (entre autres), les nombreuses distinctions reçues par la série 30 Rock (nominée 103 fois aux Emmy Awards au cours de ses sept saisons), créée par Tina Fey qui rencontre à nouveau le succès actuellement grâce à Unbreakable Kimmy Schmidt.

Les séries mainstream sont également influencées par cette montée de la gender consciousness et il est notable de remarquer des efforts effectués de la part de chaînes que l'on pourrait jugé plus conservatrices. La série UnREAL diffusée sur Lifetime (qui dispose de la réputation d'être réservée à la ménagère de plus de 50 ans) a ainsi bénéficié de bons retours critiques malgré des audiences décevantes. La série créée par Marti Noxon et Sarah Gertrude Shapiro dévoile les coulisses d'une émission type The Bachelor, réputé pour dresser des portraits de femmes peu reluisants. Le drama parvient cependant à éviter les pièges des stéréotypes en mettant notamment en scène deux anti-héroïnes (incarnées par Shiri Appleby et Constance Zimmer), qui tirent les ficelles et qui repoussent les limites genrées.

Dans les sitcoms des networks (qui restent encore très majoritairement dirigés par des hommes), Nahnatchka Khan s'est fait remarquer grâce à la comédie Fresh Off the Boat. Sa volonté d'écrire des femmes fortes, confiantes et sûres de leurs capacités a été mise en avant et la performance de Constance Wu dans la comédie d'ABC a ainsi été saluée par la presse. Supergirl qui a été transférée de CBS à The CW pour sa seconde saison dispose également d'une approche revendiquée. La série développe un discours intéressant même si elle manque quelque peu de subtilité dans ses prises de position qui sont souvent trop appuyées pour réellement convaincre. De manière générale, les networks traditionnels sont désormais conscients qu'ils doivent soigner leurs représentations genrées sous peine de s'attirer les foudres du public.

Une évolution notable devant et derrière la caméra

Avec une showrunneuse à la tête d'une série, l'emploi d'autres femmes en tant qu'actrices, réalisatrices, scénaristes ou monteuses est plus fréquent (preuve que la notion de réseau est important). Il y a une forte volonté d'entraide créative mais également une envie collective de dépasser les obstacles imposés aux femmes. Ainsi selon une étude effectuée par Martha Lauzen, les séries ayant une femme au moins en tant que productrice déléguée ont plus de chance de faire confiance à d'autres femmes dont des rôles clefs de la création. Le métier de scénaristes est le plus touché par ses disparités puisqu'on recense un taux d'engagement de 50%, lorsqu'une femme dispose de haute responsabilité sur la série, si cela n'est pas le cas, ce chiffre descend à 15%. Un constat encore plus alarmant concernant la diversité ethnique est dressé, selon une étude basée sur 120 épisodes de NCIS et Grey's Anatomy. La première n'a engagé aucune femme réalisatrice provenant d'une minorité ethnique tandis que la seconde en a engagé 21.

On dénote également l'arrivée de showrunneuses engagées qui n'hésitent pas à imposer leurs visions artistiques tout en ayant de forts engagements sociaux, culturels et politiques. Jenji Kohan, d'abord scénariste sur Sex and the City et Gilmore Girls s'est imposée dans l'industrie grâce au succès de Weeds en 2005. La manière dont elle développe ses personnages féminins dans Orange is the New Black se libère des stéréotypes et s'affranchit des préconçues établis par le sous-genre «Women in Prison».

Jill Soloway (Transparent), féministe revendiquée explique également que ses choix de mise en scène sont conditionnés par sa propre sensibilité. Elle explique qu'elle s'interroge sur la manière de cadrer ses personnages, la caméra ne doit pas juger leurs actions mais elle doit se substituer à leurs regards. L'ancienne scénariste de Six Feet Under s'émancipe d'une vision où l'efficacité de rendement est maître afin de privilégier une approche émotionnelle influencée par l'improvisation. Avant de débuter le tournage de ses scènes, elle laisse par exemple le temps à ses acteurs de s'adapter et de prendre possession de l'espace.

Jennie Snyder Urman (Jane the Virgin) met également en exergue l'influence d'une sensibilité féminine sur ses méthodes de travail. Elle insiste sur le fait de créer un environnement positif (où la communication et les encouragements ont une place importante) afin que toute l'équipe puisse exprimer sa créativité. Elle affirme également que la direction artistique de sa série nécessite un «regard féminin», trois quarts des metteurs en scènes engagés étant ainsi des femmes. L'écoute de ses différents collaborateurs a ainsi un rôle primordial dans le but de trouver les idées les mieux adaptées au déroulement du récit (opposé à l'approche rigide de l'auteur). Ces caractéristiques peuvent être jugées comme réductrices (ou héritées d'une certaine construction sociale du gender) mais le point de vue féminin, si l'on peut employer le terme, reste multiple dans sa conception créative (voir Ann Biderman, plus bas).

Ces changements vont permettre le développement de personnages féminins qui n'ont pas à se contraindre à des canons esthétiques de beauté (Girls, Orange is the New Black). Les femmes ne sont plus modelées par l'idéal féminin selon une vision «masculinisante» du corps. Lena Dunham n'épargne ainsi pas son alter-égo fictif, en le rendant détestable et égoïste (elle doit d'ailleurs souvent faire face à des critiques auxquelles des hommes - Larry David, Louis C.K. - n'ont pas à affronter en adoptant une approche similaire). La représentation de personnage féminin riche n'est cependant pas réservée à des protagonistes qui sortent de la norme. Dans Jane the Virgin, Gina Rodriguez incarne un personnage positif mais dont l'écriture n'en reste pas moins riche en sous-texte. Malgré ses twists récurrents, la série soigne ses intrigues en ne tombant jamais dans des représentations simplistes. Impressionnante de maîtrise lorsqu'elle incorpore des éléments intertextuels (jeu avec les codes des telenovela), Jane the Virgin n'hésite pas à jouer avec les normes genrées (dans le 15ème épisode de la seconde saison, l'héroïne est ainsi contrainte de respecter les règles du Bechdel Test au sein de son roman, l'épisode fera ensuite maintes références à l'application ou non de celui-ci au sein même de l'univers fictionnel de la série).

Enfin, l'influence des gender studies dans la conception des intrigues de Crazy Ex-Girlfriend est prégnante. Alors que la lecture du synopsis pourrait donner l'impression d'une fiction stéréotypée (émotivité accentuée du personnage principal obsédé par son ancien petit-ami), il n'en est rien et la série aborde (ou se moque) de sujets qui seraient très sûrement laissés de côté par des scénaristes masculins. Les performance musicales (Getting Bi, I Gave You a UTI, Heavy Boobs ...) permettent à la série d'aborder avec beaucoup d'autodérision des thèmes prohibés jusqu'à là. Le discours de la série, teinté de second degré ultra référencé - qui va jusqu'à s'imprégner dans son générique - est d'une inventivité sans limite et ne s'épuise pas au fil des épisodes. Qui aurait pu imaginer il y a dix ans qu'un pilot de série puisse se conclure (par le biais d'une narration parallèle au récit), sur un commentaire personnel des auteurs où un rappeur, enrichi de sa lecture du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, s'excuse de son comportement machiste auprès des femmes qui l'ont subi ?

Un progrès à nuancer 

Certains types de séries doivent cependant toujours lutter contre des préjugés sexistes. Les studios de production ont ainsi plus de mal à accorder leur confiance à des femmes lorsqu'il s'agit de diriger un drama aux caractéristiques sombres et violentes. Il y a toujours cette idée préconçue que les créatrices doivent être cantonnées à "des sujets féminins" (selon les stéréotypes du gender). Ann Biderman, qui a travaillé sur Southland, une série policière et Ray Donovan dont l'univers est codifié très masculin, a récemment exprimé sa lassitude face à certaines questions des journalistes qui mettent en avant la tension qui existe entre son sexe et les thèmes de ses créations. Son cas n'est pas isolé puisque Erica Messer est actuellement showruneuse du procedural policier, Criminal Minds. Un fait qui étonne souvent le public qui n'imagine pas qu'une femme puisse dépeindre un tel univers. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer que lorsqu'un homme est à la tête d'une série considérée comme "féminine", cela est rarement mis en avant. Ainsi personne ne sera choqué d'apprendre que Sex and the City a été créée par un homme et Darren Star n'a jamais eu à s'expliquer sur la question.

Certains chiffres viennent également nuancer les progrès réalisés. La part combinée des femmes sur les postes de production, scénario, création, réalisation, montage et direction de la photographie n'est ainsi que de 27% sur l'ensemble des séries diffusées entre 2014 et 2015. L'âge est également un facteur discriminatoire pour les actrices qui sont représentées en moyenne plus jeune que leurs collègues masculins. La majorité des personnages féminins (60%) étant ainsi âgée de 20 à 30 ans tandis que la norme d'âge (55%) pour un acteur est situé entre la trentaine et la quarantaine. On note également la grande disparité genrée dans le métier de chef-opérateur (même lorsqu'une femme dispose d'un poste à haute responsabilité) puisque seulement 2% de cette profession est occupée par une femme.

 

La parité n'est donc pas encore atteinte au sein du medium sériel, il n'empêche que les séries offrent la possibilité à des voix singulières de s'exprimer tout en laissant une certaine liberté artistique à ses auteurs. Sarah Treem (co-créatrice de The Affair) déclare ainsi «quand je suis arrivée dans le business, j'avais la sensation qu'il faudrait encore cent ans pour que les femmes se fassent une place dans l’industrie de manière paritaire, nous n'y sommes pas encore mais il est indéniable qu'une vague de changements est actuellement en cours et je suis fière et enthousiaste d'y ajouter ma petite contribution».



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INFORMATIONS
Date : 27/06/2016 à 18:05
Auteur :
Tags : showrunneuses jane the vigin transparent girls unreal
Fiche série : Grey's Anatomy, Girls, Ray Donovan, Transparent, Jane the Virgin, The Affair, UnREAL, Crazy Ex-Girlfriend
Catégorie : Spin-Off
Sous-Catégorie : Dossier



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