Se connecter / S'inscrire
Menu

Les Emmy Awards ont-ils la moindre légitimité ?



 Les Emmy Awards monopolisent l'attention des médias américains, il suffit de voir le nombre d'articles sur le sujet aussi bien en amont qu'après la cérémonie pour comprendre l'importance des précieuses statuettes. Pourtant, chaque année amène sont lot de controverses aussi bien en ce qui concerne les nominés que les vainqueurs. Manu relayait d'ailleurs très bien sur Dimension séries, les procédés d'attribution et quelques caractéristiques quelque peu douteuses de la cérémonie.

La victoire de Breaking Bad avant tout une réussite stratégique


Cette année, le grand vainqueur de la compétition est sans aucun doute Breaking Bad. Pour ses adieux, la série a reçu 5 Emmys dont celui de la meilleure série dramatique. Avec The Sopranos, c'est le seul drama à avoir reçu la récompense lors de sa dernière saison. Cependant, ces victoires ne sont pas seulement dû à la qualité intrinsèque des deux séries, elles ont en effet profité du découpage en deux parties de leurs ultimes chapitres. On se rappelle en effet du cliffhanger assassin qui conclut le huitième épisode de la cinquième saison de Breaking Bad, tous les fans de la série sont alors laissés dans l'expectative et doivent attendre une année pour connaître son dénouement. Tout cela rentre dans le stratagème de AMC qui a tout fait pour étirer au maximum la diffusion de sa pépite. Cela a fonctionné à merveille puisque la série est revenue avec des records d'audiences, le buzz est alors à son paroxysme et la série gagne en prime une année supplémentaire d'éligibilité aux Emmy Awards. Si la victoire de la série n'est pas contestable au niveau qualitatif (bien que je trouve personnellement les trois premières saisons un cran au dessus des deux suivantes), la stratégie calculatrice de AMC est beaucoup plus discutable surtout que cette manœuvre n'était aucunement liée à une volonté créative. Ce triomphe de Breaking Bad laisse donc un goût amer, est-il normal qu'une série dont le tournage est achevé depuis plus d'un an puisse être couronnée ? 

Pourtant classée dans les favoris, True Detective est repartie quasiment bredouille. La seule consolation pour la série policière est le prix de la meilleure réalisation accordée à Cary Fukunaga. Alors que tout le monde s'attendait à ce que Matthew McConaughey glane le prix du meilleur acteur dans une série dramatique, il s'est fait griller la politesse par Bryan Cranston qui remporte le trophée pour la quatrième fois. La série écrite par Nic Pizzolatto a sans doute subi les conséquences de la décision de HBO de l'inscrire dans la catégorie série dramatique. Par son format anthologique, elle semblait beaucoup mieux adaptée à la catégorie mini-série. Alors que la série croulait sur les éloges, cette décision a mené à une forte mobilisation contre True Detective ou plutôt contre l'opportunisme de HBO. Les chaînes peuvent donc profiter des libertés laissée par l'académie et elles n'hésitent pas à user de tous les moyens possibles pour tirer un profit de leurs succès critiques. Les combines trouvaient par les diffuseurs des deux séries dramatiques ne sont malheureusement pas isolées.

Conservatisme de rigueur

Les Emmys sont également régulièrement attaqués pour leur côté conservateur, en effet à part la victoire méritée de Fargo dans la catégorie mini-série très peu de nouvel entrant ont brillé. Pour preuve, la meilleure série dramatique (Breaking Bad), la meilleure comédie (Modern Family), les meilleurs acteurs et actrices dans une comédie (Jim Parsons et Julia Louis-Dreyfus), le meilleur second rôle féminin dans un drama (Anna Gunn), la meilleure réalisation pour une comédie (Gail Mancuso, Modern Family) ont tous déjà été récompensés l'année dernière. De leur côté, Julianna Margulies, Aaron Paul, Ty Burrell ont déjà été célébrés par le cérémonie antérieurement. Allison Janney qui a été honorée pour sa prestation dans Mom, est l'une des rares "nouvelles" mais elle est loin d'être une inconnue puisqu'elle avait déjà été mise en avant pour son travail dans The West Wing.

Comme Carroll O'Connor, Michael J. Fox et Kelsey Grammer avant lui, Jim Parsons (The Big Bang Theory) a remporté sa quatrième récompenses dans la catégorie meilleur acteur dans une série comique. A l'inverse, Jon Hamm qui a obtenu 7 nominations consécutives, n'a toujours pas réussi à s'imposer. Mad Men fut complètement oubliée pour la troisième année d'affilée comme House of Cards (US) et Downton Abbey.

Modern Family a également égalé un record, celui de Frasier. Les deux sitcom ont ainsi remporté 5 statuettes lors de leurs cinq premières saisons dans la catégorie meilleure comédie. Une catégorie qui fait d'ailleurs polémique, le succès de la série familiale étant jugé un peu trop répétitif (les critiques sont beaucoup moins enthousiastes ces derniers saisons). La compétition entre les nominés est elle-même source de contestation avec l’avènement de série dont le statut précis est compliqué à définir. Comment peut-on juger sur les même critères des séries comme Louie ou Orange is the New Black à d'autres comme The Big Bang Theory ou Modern Family ?

Des catégories de plus en plus obsolètes

Une autre problématique actuelle a été soulignée par Julianna Margulies, lorsqu'elle a reçu le prix de meilleur actrice dans une série dramatique. Est-ce possible d'évaluer de manière équitable le travail d'une équipe qui doit répondre à une commande de 8 épisodes contre une autre qui doit gérer une fournée de 22 voire 24 épisodes. Pour la lauréate, les scénaristes de The Good Wife ne cessent de l’impressionner et ils sont l'une des principales raisons de son succès. De ses propres mots, "Je suis une grande fan des séries qui étaient nominées dans la catégorie drama mais quand on regarde le travail déployé par nos scénaristes, ils mériteraient une meilleure reconnaissance de la part des Emmy. Ils sont constamment sous pression pour délivrer 22 scripts par an, contrairement à d'autres, ils n'ont pas le luxe du temps." La non-nomination de la série a créé un débat sur le sujet, surtout que la cinquième saison est  considérée comme l'un des meilleurs crus de la série judiciaire. Constat encore plus révélateur, cela fait maintenant trois ans qu'aucune série dramatique diffusée par un grand network n'a été nominée.

Si on peut se réjouir du succès de Sherlock, il y a cependant un subterfuge. La série a été nominée dans la catégorie téléfilm pour son dernier épisode His Last Vow. Si le format de la série est particulier (trois épisodes de 1H30), il est compliqué de comprendre qu'est-ce que fait Sherlock à côté du téléfilm The Normal Heart. Même traitement douteux pour Treme qui est incompréhensiblement placée dans la catégorie mini-série du fait que sa dernière saison a été raccourcie à cinq épisodes. Pour les prix secondaires (acteurs, réalisation), les téléfilms et les mini-séries sont réunis. Encore une fois, cela semble peu logique, comment comparer les performances de Billy Bob Thornton dans 10h de Fargo et celle de Mark Ruffalo dans 2h de The Normal Heart ? Bien sûr les prestations sérielles sont jugées sur un épisode au choix de l'acteur mais cela a t-il un sens ? La performance d'un acteur de série s'apprécie dans son ensemble, on ne peut pas isoler un acte de sa représentation. L'évolution d'un personnage au cours d'une saison a une incidence sur le jeu d'un l'acteur et c'est là que l'on peut apprécier l'étendu de son talent.

Autre problème majeur, cette fois au niveau des votants. Pour que la compétition soit équitable, il faudrait que ceux-ci partent tous sur les mêmes bases, c'est à dire qu'ils aient vu l'intégralité des séries nominées pour donner leurs votes dans la meilleure légitimité possible. Or, plus les saisons s'accumulent, plus il est difficile d'être impartial. C'est d'ailleurs pour ça qu'il est rare de voir une série ayant déjà beaucoup de saisons à son compteur faire son apparition dans les nominations. Le succès de Breaking Bad est avant tout dû au buzz colossal qui a accompagné sa sortie, en contrepartie Mad Men s'est peu à peu éteinte de l'actualité après avoir gagné quatre fois d'affilée la récompense principale. La qualité de la série n'a pourtant pas baissé, elle s'est même paradoxalement améliorée (de mon point de vue). On a donc une désagréable impression que les séries et les acteurs sont choisis en fonction de «tendance» général.


Les séries sont de plus en plus nombreuses mais les Emmy Awards semblent faire office de club privé où les prix et les nominations ne surprennent plus personne. Certaines séries font donc les frais de cette politique alors qu'elles sont pourtant saluées par le public et la critique. Où est donc la reconnaissance pour The Blacklist, Sons of Anarchy, Rectify, (la performance de Aden Young !), Brooklyn Nine-Nine, Treme, Shameless (US), Boardwalk Empire ... Pas que toutes ces séries le méritent forcément mais pour obtenir plus de légitimité, les règles des Emmys doivent être plus représentatives de l'offre sérielle qui est en constante évolution. 



    6 personnes aiment : FrenchAmerican, nicoalz, Sim, ksajaN, codebabar, ...  


3 commentaires sur cette actu


Vous devez être enregistré pour pouvoir poster un commentaire. Si vous n'avez pas encore de compte, vous pouvez en créer un très rapidement en cliquant ici
ou
CONNEXION EN 1 CLIC
VIA FACEBOOK POUR COMMENTER

remonter et poster un commentaire

INFORMATIONS
Date : 29/08/2014 à 22:50
Auteur :
Tags : emmy awards breaking bad true detective
Fiche série : Breaking Bad, Modern Family, True Detective
Catégorie : Bla Bla Bla
Sous-Catégorie : Festival



PUBLICITÉ