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Sonnons les matines pour Ainsi soient-ils



Zoom sur la seule série produite par ARTE en 2012 - ce que l’on ne se lasse pas de regretter chaque semaine à la lecture du programme TV.
« Qui êtes-vous vraiment ? Qu’êtes-vous venus chercher dans ce séminaire ? » Ainsi soient-ils annonce la couleur en deux questions, premiers mots prononcés par le Père Fromenger, directeur du séminaire dont la série relate le quotidien. Et nous, que sommes-nous venus chercher dans une série ayant pour héros de futurs prêtres ? ATTENTION, SPOILERS.
Le pitch : un quotidien touché par la grâce, et l’ascension vers la prêtrise de cinq jeunes gens en quête de foi. Leur chance ? Effectuer cette quête pour les cinq années à venir (serait-ce annonciateur de 5 saisons ?) aux Capucins, un des séminaires les plus réputés de la chrétienté.

« Les Capucins sont un lieu à nul autre pareil » répètent inlassablement les prêtres y officiant depuis des décennies. La préservation d’un tel lieu saint, d’un « asile » (on y reviendra) va entrer en conflit direct avec la modernité de cette génération Y : désir, punk, malversations financières et militantisme s’engouffrent dans le sanctuaire en même temps que Yann, Raphaël, José, Emmanuel et Guillaume.

Dieu vomit les tièdes

Le récit d’apprentissage à cinq têtes se déroule sur toute une année de séminaire, avec ses passages obligés : la rentrée, la première messe, la solitude, Noël et un séjour tragicomique dans un hameau isolé administré par un prêtre un peu porté sur la boisson.

Après les débuts hésitants d’un pilote plombé par de laborieuses scènes d’exposition, la série prend son envol, portée par une superbe image, au symbolisme fort sans jamais être pesant.
Les jeunes comédiens, tous intéressants, s’affirment devant nos yeux, en même temps que leur(s) engagement(s), soutenus par le casting des comédiens plus expérimentés - Jean-Luc Bideau et Thierry Gimenez en tête.
Ainsi soient-ils navigue constamment entre plusieurs tons, plusieurs niveaux de compréhension de ses intrigues et nous parle avec finesse d’évolution et de tradition, deux pôles entre lesquels tangue aujourd’hui l’Eglise catholique.

Quand le plus naïf des séminaristes tente une incursion vers la musique avec une jeune chanteuse aux textes lesbiens et suicidaires, ou encore quand la petite sœur d’un autre tombe enceinte et demande à son frère de signer l’autorisation pour l’avortement, de vrais cas de conscience se posent aux personnages et à nous, téléspectateurs.

L’un des séminaristes tente de s’expliquer : "Je ne peux pas m'arranger avec le dogme. Sinon ça ne serait pas un dogme". On atteint là les limites de la religion face au pragmatisme de l'ado : "J'ai que 17 ans, je veux pas foutre ma vie en l'air". Intégrées à la fiction, ces questions morales sont subtilement prégnantes tout au long de la saison, et portent en elles le véritable germe de l’évolution des personnages.

La série s’essouffle finalement dès qu’elle s’éloigne du séminaire et de ses jeunes héros : ainsi, l’intrigue papale apparaît sur la touche, bien loin de la modernité vivifiante du reste de la série et trop proche d’une caricature à la Borgia ou Habemus Papam pour être véritablement prise au sérieux.

"Merci mon Dieu. Merci pour le chaos"

Si la lenteur assumée du début pourrait faire craindre aux sceptiques que la série ne soit qu’une adaptation télévisuelle du succès ciné Des Hommes et des Dieux, la seconde partie de la saison s’accélère avec une succession d’intrigues aux enjeux dramatiques forts (histoires d’amours, décès soudain, militantisme politique) et parfois un peu téléphonés - notamment l’arrivée de sans-abris venant trouver refuge au sein du séminaire.

Mais c’est là, en une simple scène, que s’illustre parfaitement le paradoxe de l’institution religieuse : alors même que l'évêque tout juste réélu à la tête des Évêques de France a fondé sa campagne sur la charité, on va chercher avant tout à se débarrasser de ces encombrants squatteurs. L'Eglise, terre d'asile, n'est plus ce qu'elle était.

Au delà des questions sociétales liées à l’Eglise, le brio de la série est de parvenir à conserver et à mettre en valeur l’humain. Ainsi soient-ils est ainsi le récit de la chute du Père Fromenger, figure charismatique et fascinante. Au fil des heures passées avec lui, le personnage se révèle tour à tour trouble, fatigué et fatiguant, excédé par son environnement quotidien. Son chemin de croix, si l’on peut dire, avance en parallèle des trajectoires des autres personnages : le déniaisement pour Yann ; l’exercice du pouvoir pour Raphaël ; le discernement enfin de l'abbé Bosco qui découvre que son mentor n'est pas aussi pur qu’il le pensait.

On retrouve chez nos héros la même radicalité, la même intransigeance que chez les étudiants militant aux côtés des sans-abris, la même implication amoureuse et l’envie de tout lâcher pour suivre une impulsion. Pas si différents des autres adolescents finalement...

Sexe, drogue et eucharistie


Les affiches promo de la série l’annonçaient haut et fort : chaude, la série sera chaude. Il faut pourtant attendre quelques épisodes que la luxure annoncée ne pointe le bout de son nez (et encore, que du nez), s’introduisant tout d’abord sous la forme de rêves nocturnes.

On apprend plus tard au détour d’une confession qu’un des séminaristes a eu une expérience homosexuelle, et qu'il se condamne lui-même pour cela. À côté de ce coming-out mal vécu, les autres luttent également contre leurs pulsions amoureuses et/ou sexuelles.

Même Yann, resté vierge par conviction religieuse, finit par se demander s’il n’a pas raté un truc en restant trop sage avec la charmante Fabienne, son amour d’adolescence. Il s’en ouvre au doyen du séminaire qui lui conseille de laisser parler son cœur. Au même titre que les années fac, les cinq années de séminaire sont aussi là pour faire des expériences avant d’embrasser définitivement la vocation.

Après celle du désir, la question du pardon devient centrale, puis laisse place à une crise existentielle indissociable de la foi sans cesse remise en cause, sans cesse challengée par le monde extérieur.

La saison se conclut de façon très belle comme elle a commencé : une prière commune dans la chapelle du séminaire. Seule la voix de l'officiant a changé, ce qui change tout. La caméra s'élève, seule, vers la nef, vers le ciel. Ainsi soit-il.

Oriane Hurard

Diffusion sur Arte ce jeudi 11 octobre à 20h50.
Pour ceux qui verront la série, n'oubliez pas de venir la noter ce soir.


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INFORMATIONS
Date : 11/10/2012 à 08:56
Auteur :
Tags : ainsi soient-ils critique arte
Fiche série : Ainsi Soient-Ils

Catégorie : Spin-Off
Sous-Catégorie : Site



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