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TRIBUNE : Le monument The Wire



Cette tribune inaugure une nouvelle rubrique qui n'existera que par votre volonté. Si c'est la première d'une longue lignée, tant mieux, si ce n'est pas le cas, ce n'est pas vraiment grave. Toujours est-il qu'on offre un espace réservé à nos lecteurs qui ont une envie particulière : parler d'une série qui n'a pas forcément les honneurs qu'elle mérite sur Spin-Off et dont on reconnait pourtant volontiers les qualités. Il n'est pas question de faire systématiquement l'apologie d'une série, si vous souhaitez apporter un angle particulier sur l'une d'entre elle, ça nous intéresse aussi. Le ton, l'humour et le genre sont à votre convenance.
Mais ceci n'est pas une tribune libre : autrement dit, on ne s'engage pas à publier l'intégralité des textes que nous recevrons mais seulement ceux qui nous informent, intéressent, comblent un manque et que l'on trouve pertinent. Adressez vos demandes à manuel.raynaud [at] spin-off.fr et n'hésitez pas à en discuter en amont avec moi, j'essaie de répondre dans la mesure du possible aux mails que je reçois. Voici en tout cas la première chronique, rédigée par Nicolas Loisel, dédiée à la série The Wire.
Nicolas "gOrdi" Loisel -- Quelle est la meilleure série de la dernière décennie ? Certains diront The Sopranos, d’autres Six Feet Under ou The Shield. Pourtant, il n’y a qu’une seule réponse à cette question : The Wire. Soit cinq saisons de douze épisodes. Un monument de soixante heures qui n’attend qu’à être englouti. Aucune honte à avoir cependant, presque personne n’a vu le chef d’œuvre de David Simon. Démarré en 2002, The Wire est resté confidentiel aux USA malgré des critiques de plus en plus dithyrambiques au fil des saisons. Ne parlons même pas de la France, il suffit de s’en tenir à la traduction du titre : Sur écoute. Qui peut avoir envie de regarder ça ?

Ça, c’est pourtant l’histoire de la guerre de la drogue dans la ville de Baltimore. Une guerre dont plus personne n’a rien à foutre dans l’Amérique post-11 septembre où démarre la série. Tenter de résumer l’intrigue de la première saison est vain vu la profusion de personnages et la complexité du scénario. Une particularité qui a amené certains à comparer The Wire à un « roman russe ». C'est-à-dire que les cent premières pages sont un poil difficiles à avaler. Laissez cinq épisodes à la série pour vous familiariser avec les multiples noms et vous ne le regretterez pas.
Car si le thème central est bien la lutte de la police contre les dealers, d’autres sont développés en parallèle dans les saisons suivantes : la mort de l’industrie (extraordinaire Saison 2), la politique, l’éducation et le journalisme. A priori, rien de très funky. Mais l’écriture du show est tellement forte que vous resterez scotchés à votre laptop quand même. Sans oublier le grand sujet de la série, de la même manière que The Sopranos parlait de la famille, The Wire ne traite que d’une chose : la ville américaine. Baltimore et ses quartiers entiers laissés à l’abandon étaient le décor parfait pour un tel récit.

Un peu de géo’  sponsorisée par wikipedia : deuxième plus grande ville des USA au XIXe siècle, la capitale du Maryland a depuis connu une dégringolade sans fin. La cité a perdu un tiers de ses habitants ces cinquante dernières années et n’est plus que la 20e plus grande ville américaine avec 650 000 habitants. En 2008, on a relevé 234 meurtres - loin du record de 1993 : 379 homicides. Pour faire simple, Baltimore est une des villes les plus dangereuses des Etats-Unis. Dernier chiffre : 65 % de la population est noire.
Le créateur David Simon sait tout cela parfaitement. Il a été journaliste au Baltimore Chronicles pendant des années avant de se faire virer suite à licenciement collectif. Pour l’aider à l’écriture du scénario sur certains épisodes, il s’est entouré des rois du polar noir américain : Denis Lehane, Georges Pelecanos et Richard Price. Le premier est l’auteur de Mystic River, Gone Baby Gone et Shutter Island - tous adaptés au cinéma. Les deux autres ont également leur quota de romans cultes. C’est vous dire à quel point The Wire vole dans des cieux plus élevés que les standards télévisuels traditionnels. 

Ici, pas de morale, pas de leçons. Pas de bons, pas de méchants. Juste le quotidien d’individus qui font ce qu’ils peuvent pour survivre et trouver un peu de bonheur. C’est ce qui fait la force de la série. On se surprend à être touché par le meurtre d’un dealer et on comprend le politicien pourri et corrompu. Aucun jugement n’est porté sur les personnages. C’est le système qui broie les individus. Et The Wire le démontre avec une telle clarté que c’est parfois difficile à accepter. Alors bien sûr, la noirceur afflue de toute part et la fin de certains épisodes laisse un goût de bitume et de sang dans la bouche. Mais des éclats de lumière apparaissent de temps en temps, ce qui empêche la série de sombrer way down in the hole – le générique du show.
Un mot sur les acteurs quand même. Tous sont parfaits et les nommer prendrait quatre pages, mais les rôles de Jimmy McNulty (Dominic West), Omar Little (Michael K. Williams) ou Stringer Bell (Idris Elba) ont déjà rejoint le Panthéon des mythes télévisuels. Même Obama – décidément un homme de goût – aime la série et a désigné Omar comme personnage le plus « fascinant ». Un gangster balafré qui se balade en sifflotant avec un shotgun et un manteau sorti des films de Sergio Leone, ça intrigue. Surtout quand il est gay.

Une dernière précision. The Wire ne vous lâchera pas après avoir avalé les cinq saisons. Il faudra les digérer, les comprendre, les assimiler. Mais si vous vous surprenez à imaginer ce que sont devenus certains personnages, c’est normal. C’est simplement le signe des grandes œuvres artistiques, celles qui vous habitent et vous enrichissent. Longue vie à The Wire.
Les studios de The Wire à la fin de la série


    1 personne aime : nicoalz  


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INFORMATIONS
Date : 05/08/2009 à 00:30
Auteur :
Tags : tribune the wire
Fiche série : The Wire

Catégorie : Spin-Off
Sous-Catégorie : Tribune



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