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The Walking Dead : comic book vs série tv



Après un premier article sur Boss où il encensait la série de Starz, Samuel Bilboulian nous revient avec cette fois-ci une loupe à la main. Son objet d'étude ? The Walking Dead, la série télé, qu'il s'est amusé de décortiquer avec pour élément de comparaison, le comic book, dont elle s'inspire.
Avec The Walking Dead, AMC s’impose une fois de plus comme une chaîne audacieuse et populaire. Audacieuse parce qu’elle a beau être une chaîne financée en partie par la publicité qui donc prohibe généralement tout ce qui relève du sexe ou de la violence (verbale et physique), elle se permet de lancer la création d’une série de zombies et n’attend pas que ce soit une autre chaîne qui le fasse ! Populaire parce qu’elle a rassemblé en moyenne 5,2 millions de téléspectateurs lors de la première saison, puis 6,9 millions au cours de la deuxième.

Depuis les années 2000, les adaptations de comics ont suscité un engouement incroyable. Qui des supers héros les plus connus n’ont pas encore eu droit à leur adaptation sur le grand ou le petit écran? Plus largement, l’adaptation d’une œuvre littéraire est un phénomène très répandu que ce soit à la télévision ou au cinéma.

Alors, à l’occasion de la diffusion de l’intégralité de la saison 2 au festival Séries Mania qui se tient au Forum des images jusqu’au 22 avril 2012, voyons comment les auteurs de la série ont su gérer la distance avec l’œuvre originale...

Les origines
The Walking Dead a été publié pour la première fois en 2003 chez Image comics. Fondée en 1992 par sept artistes désireux d’avoir un contrôle absolu de leurs œuvres, cette maison d’édition se démarque des gros studios par sa volonté d’indépendance éditoriale. Deux principes fondamentaux forgent la philosophie de cette société : le créateur est le seul détenteur de son travail et aucun créateur de la société n’a le droit d’intervenir sur le travail d’un de ses collègues. Ces principes séduisirent un grand nombreux d’auteurs et même si au fil des ans la société connu des hauts et des bas, elle ne dérogea jamais à ces règles. C’est cette philosophie qui attira Robert Kirkman.

Une fois de plus, il collabore avec son ami d’enfance, l’illustrateur Tony Moore avec qui il a déjà travaillé sur Battle Pope et Brit. Remplacé en cours de route par le britannique Charlie Adlard pour qui c’est la première collaboration d’importance avec Kirkman, le succès de la série reste intacte. Ensemble ils publient 14 volumes de The Walking Dead dont le dernier est sorti il y a de ça quelques mois.

La représentation du zombie y est fidèle à celle de George A Romero. Ce sont des morts vivant cannibales qui contaminent leurs victimes par leurs morsures et menacent l’humanité. Cependant, la grande originalité de Kirkman est d’utiliser la menace zombie pour explorer la nature humaine au lendemain de l’effondrement de la société, en s’intéressant à la reconstruction d’un mode de vie. Kirkman jette un regard critique sur la société consumériste et la contraint à un retour à l’âge de pierre. Il ose un concept simple : une histoire de zombie qui ne se termine jamais (en réaction à toutes les fins de films de zombies qui se terminent soit par la fuite vers d’autres cieux, soit par la mort de l’humanité).

Après avoir été refusé par toute les chaînes, The Walking Dead trouve sa place sur AMC, notamment grâce à la soirée Fearfest que la chaîne programme chaque Halloween. Cette soirée marathon entièrement dédiée aux films d’horreur est une des meilleures audiences. La série intéresse donc AMC mais ce qui fait d’elle la chaîne idéale, c’est son audace ! Sur la base du script du pilote, elle commande six épisodes sans imposer la fabrication du premier. AMC demande néanmoins quelques corrections, notamment qu’on s’attarde plus sur les personnages.

Le travail de l’adaptation

Lorsqu’on décide d’adapter une œuvre littéraire pour la télévision, il est évident que l’œuvre adaptée va subir des transformations car on se situe sur deux différents médiums et une œuvre ne s’exprime pas de la même manière sur l’un ou l’autre. Ainsi, la grande question à laquelle le showrunner doit se confronter est : dans quelle mesure la série TV doit-elle être fidèle au comic book ?

L’adaptation suppose un travail du fond et de la forme. Pour ce qui est du fond, trois solutions s’offrent au showrunner :
  • suivre le comic pas à pas, scène par scène, le découper en séquences en respectant au maximum l’ordre des choses ;
  • dégager les scènes clés du livre, et bâtir un scénario sur cette base ;
  • prélever des matériaux (éléments d’intrigues, personnages, situations) et élaborer un scénario quasi original.
La présence de Robert Kirkman dans la writer’s room nous donne quelques indices de réponses sur le chemin emprunté. Dans une interview réalisée par Steven Sautter, Kirkman révèle que son principal rôle sur le show est de préserver la série pour qu’elle ne déçoive pas les fans qui ont rendu le comic book populaire et son adaptation possible. Pour son passage à la télévision, il a donc été décidé de reprendre le scénario et de conserver les événements les plus marquant. Autour de ça, de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues qui n’existaient pas dans le comic book font surface. Comme dirait Kirkman : « La série est une sorte de version longue du comic ».

Ainsi elle fait le pari ambitieux de réunir autour de la série les fans du comic book avec ceux qui ne la connaissent pas. La série livre aux fans des éléments supplémentaires pour qu’elle ne leurs apparaisse pas trop prévisible mais récompense aussi leur attente en portant à l’écran les scènes emblématiques.

D’une autre manière, le showrunner et son équipe de scénaristes auraient pu partir sur un protagoniste différent qui aurait évolué dans le même décor apocalytique. Ainsi ils auraient développé la transversalité entre l’œuvre graphique et audiovisuelle. L’idée d’un projet global a été partiellement lancé avec la production de six webisodes (présente dans notre base de données en saison 0, chaque fiche épisode embarquant l'épisode en question) qui retracent l’histoire d’un zombie rencontré par Rick au cours de la première saison - à vous de trouver à quel moment !


Un autre choix d’importance a été pris sur la série, c’est de consacrer une saison à chaque album. Ce choix a certainement été motivé par la chaîne qui voulait ralentir l’action pour libérer la narration et aussi mieux refléter l’horreur vécue par les personnages. Cette solution a aussi permis de garder une structure similaire aux comics dans le cheminement des personnages - et de ne pas perdre les fans - mais a irrémédiablement contraint les scénaristes à étirer certaines situations et ajouter des sous intrigues, avec plus ou moins de réussite.

Il en est ainsi du gang latino que Rick, Daryl, Glenn et T Dog rencontrent lorsqu’ils viennent récupérer Merle, laissé sur le toit d’un immeuble à Atlanta. Le problème c’est le manque d’organicité de certaines séquences qui pourraient être supprimées, sans que ça cause du tort au récit. Ici, Rick fait par exemple le choix de partager les armes avec le gang. Ce choix aurait pu être à l’origine d’une pénurie d’armes à feux dans son groupe mais non, cette rencontre n’a pas de répercussion significative sur le parcours de nos héros.

Le travail d’adaptation se fait à plusieurs niveaux : à l’échelle de l’acte, de la séquence ou de la scène. Dans la saison un, plusieurs éléments narratifs ont été ré-assemblés dans un ordre différent de l’œuvre originale.

Dans le tome un du comic book, Rick va deux fois à Atlanta, une première fois où il fait la connaissance de Glenn qui lui sauve la vie et une deuxième fois où il revient en sa compagnie pour récupérer des armes dans une armurerie. C’est à ce moment qu’il a l’idée de se badigeonner de chair de zombie pour camoufler son odeur humaine et se faufiler dans la meute.

Pour montrer qu’ils ne sont pas les seuls survivants et créer du conflit, les scénaristes ont utilisé le deuxième voyage pour former une rencontre avec d’autres survivants (alors qu’ils avaient inséré dans le premier des éléments du deuxième pour enrichir la fuite). Le résultat produit une nouvelle scène : Rick, acculé par les zombies, se cache dans un tank. C’est grâce à Glenn et sa radio qu’il parvient à s’y extraire. Une fois dehors, il rencontre les autres survivants qui accompagnent Glenn et, finalement, s’échappe en se badigeonnant de chair de zombies. Lorsqu’ils reviennent à plusieurs pour récupérer les armes, ils tombent sur le gang latino qui ouvre au sein du récit une nouvelle séquence.
Pour travailler la forme, Franck Darabont, le réalisateur, s’est inspiré autant que possible des illustrations du comic book. Des mouvements de travelling à la dérive ont été privilégiés à une caméra à l’épaule pour retranscrire le calme de certaines pages du roman graphique où l’on observe un environnement dévasté et désertique. A des moments, certaines images ont même été fidèlement reproduites. Pour rendre au mieux la texture des dessins de Moore et d’Adlard, la série est tournée en 16mm (c’est aussi une économie de temps entre les prises) à défaut de pouvoir être tourné en noir et blanc, ce qui aurait été impossible à diffuser pour la chaîne.

Vers la fin de la première saison, le style visuel de la série se détache du comic book. Alex Hajdu fait son entrée au poste de chef décorateur et décide de moins s’inspirer du comic book. La seule chose qu’il utilise c’est l’utilisation de l’espace qui tend vers la simplification. Le ton reste néanmoins noir et cru. Comme dans le comic book, la dévastation est montrée sous tous ses angles.

A partir de la saison deux, on retrouve l’utilisation d’une séquence d’accroche en exergue des épisodes. Cet effet est présent au début du tome deux du comic book pour rappeler la présence de Shane qui vient de disparaître à la fin du tome un. Dans la série, cet effet d’amorce est aussi utiliser pour accentuer l’ambiguïté de la relation triangulaire qui s’est instaurée avec le retour de Rick.

Personnages : une troublante ressemblance
Du comic book à la série TV, le personnage de Rick est similaire. Il essaye de trouver sa voie et de comprendre comment fonctionne le monde. C’est un homme bon qui essaye de garder une éthique en plus de protéger ses proches. Cependant ils n’évoluent pas à la même vitesse dans les deux œuvres.

Dans le comic book, Rick est plus rapidement confronté à l’incompatibilité des valeurs sociales avec ce nouveau monde. Dans chacun de ses choix, il essaye de rester intègre mais sa volonté de justice l’entraine toujours vers des choix encore plus compliqués. Pour sauver une vie, il est souvent obligé d’en mettre une autre en péril. C’est ce qui rend le personnage fascinant car il vit beaucoup de conflits.

Autour de Rick, on retrouve son fils Carl et sa femme Lori. Afin de développer la situation ambigüe qui s’est créée avec le retour de Rick, Shane est conservé au-delà de la première saison alors qu’il disparaît à la fin du tome un du comic book. Même si dans le roman graphique, son impact sur la relation entre Lori et Rick est durable, le personnage est conservé pour faire prolonger le triangle conflictuel et donner de l’élan à la narration. L’amour qu’éprouve Rick envers sa femme et son fils nourrit la frustration de Shane qui s’amplifie lentement jusqu’à créer des situations de tension extrêmes.

Dale, le vieil homme se rapproche d’Andrea. Alors que sa relation devient intime dans le comic book, elle semble moins simple dans la série. Dale étant plus vieux dans le comic, sa position s’apparente plus à celle d’un père protecteur.

Faiblement caractérisée dans le comic, Andrea possède une histoire et une personnalité plus riche dans la série. Dans le comic book, elle et sa sœur Amy ont quasiment le même âge. Dans la série Andréa est plus mature et son personnage plus riche. Sa relation avec sa sœur n’est pas simple. Elles n’ont jamais vraiment vécu ensemble. Elle a privilégié sa carrière et a raté de nombreux moments importants dans la vie de sa sœur. Seules dans ce monde apocalyptique, Andrea essaye de rattraper ces moments perdus. La mort d’Amy va avoir un caractère déterminant dans l’évolution du personnage. Après cette épreuve, Andrea devient une guerrière. C’est aussi le cas dans le comic book mais prend du coup dans la série une justification plus forte.

Glenn, quand à lui reste le jeune débrouillard et peu sûr de lui qu’il était dans le comic book.
Parmi les nouveaux personnages, on a le sauvage et solitaire Daryl, jeune frère de Merle. Ce dernier disparaît dans les premiers épisodes après avoir été laissé sur le toit d’un immeuble. Daryl fait parti des personnages les plus intéressants car il va au fil des épisodes, essentiellement dans la saison deux, s’ouvrir aux autres, apprendre à faire confiance et manifester des sentiments, de la compassion. Avec un frère raciste et autoritaire et des parents certainement absents, on comprend qu’il s’est forgé tout seul. Le conflit interne qu’il vit est fort. C’est donc un personnage qui insuffle au spectateur beaucoup d’empathie.

A la fin de la saison un, une séquence qui n’existait pas dans le comic est imaginée par les scénaristes avec l’apparition d’un autre personnage, Jennar. Scientifique, il est le dernier survivant au CDC (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies). On apprend grâce à lui le processus cérébral de zombification.
Enfin derniers personnages qui font leur apparition dans la série, ce sont Jacqui et T dog. Plutôt effacé, Jacqui disparaît à la fin de la première saison et T dog est plutôt du genre boulet.

Parmi ceux qui ont disparus dans la série, il y a Allen et sa famille. Il a été remplacé par Morales et sa famille mais qui préfèrent partir de leur côté lorsque tout le monde quitte le camp.


Une première saison fidèle, une seconde qui prend le large

Dans la saison un, histoire et récit sont globalement conservés : The Walking Dead raconte toujours l’histoire de la survie à travers le personnage de Rick Grimes, un flic hospitalisé après une blessure par balle qui se réveille seul, dans un monde où les morts mangent les vivants. Après avoir retrouvé sa famille, il part avec un groupe de survivants à la recherche d’un endroit où une seconde vie sera possible. Ce qui a été préservé et qui fait que The Walking Dead n’est pas une banale série sur les zombies, c’est son imprévisibilité et sa noirceur. Dans ce nouveau monde devenu l’enfer, le plus grand danger n’est pas toujours les morts vivants mais ceux qui sont encore en vie. Personne n’est à l’abri d’une mort violente.

De manière générale, la série s’attarde plus longuement que le comic book sur les obstacles rencontrés. Les épisodes sont chargés de silences et de scènes lentes qui nous renseignent sur l’état de ce monde. Dans les six épisodes de la première saison, la série s’efforce plus de creuser les personnages que le comic book (sans passer par une utilisation du flash back incessante, comme on peut le voir dans d’autres séries). Elle tâche de donner des détails sur l’identité des personnages et renforce les conflits entre eux en développant à chaque fois des thématiques larges comme le racisme, l’euthanasie, la démocratie… (parfois un peu poussivement d’ailleurs).

Fort du succès de la première saison, AMC a lancé la fabrication de treize épisodes pour la saison deux. C’est sept épisodes en plus pour retranscrire le second album du comic book. Cependant comme AMC supporte seule les risques financiers de la série (à l’inverse de Mad Men produite par Lionsgate ou Breaking Bad par Sony Télévision), elle impose une baisse de 650 000 dollars par épisode pour cette nouvelle saison. Dans cette configuration, des libertés scénaristiques plus grandes que dans la saison une sont prises, justifiant ainsi la sédentarisation de la série. Ces coupes budgétaires ont été à l’origine du départ de Franck Darabont qui n’arrêtait pas de se battre avec la chaîne pour que la série ne soit pas trop dégradée.

Alors que dans le comic book, les personnages sont très souvent sur la route, la seconde saison s’installe dans un même décor, la ferme de la famille d’Herschel. L’accent est mis sur la psychologie des personnages et l’évolution de leurs relations. L’avenir de nos personnages se noircit au fil des épisodes. On les sens épuisés et l’espoir de retrouver une vie normale est de plus en plus remis en question. Alors que dans le comic book, les personnages ont toujours la motivation de se battre, on les sent dans la série excédés par les événements.
Dans cette nouvelle saison, Rick se retrouve confronté à des choix difficiles qui vont le transformer dans la série plus que dans le comic book. Désormais, l’étranger est une menace. Alors que dans la première saison, il est farouchement opposé à tuer des vivants, dans la saison 2, face à la menace de deux inconnus, il n’hésite pas à sortir son arme. Cette évolution intervient de manière beaucoup moins appuyée dans le comic book, certainement lié au fait que l’empathie est moins sollicitée dans un roman graphique que dans une œuvre audiovisuelle.

Ce qui devient intéressant avec la saison 2, c’est la qualité des conflits entre les personnages. On a peut être une stagnation de l’action mais qui se traduit par un développement de l’hostilité de l’environnement. Les attaques sont plus nombreuses, imprévisibles et poussent certains personnages à l’abandon fasse à ce monde apocalyptique proche de sa fin.


En s’écartant de manière significative de l’œuvre originale, les scénaristes ont compris que pour réaliser une œuvre intéressante, il faut qu’ils trahissent l’œuvre originale, que ce soit en bien ou en mal. Si l’on applique la réflexion d’André Bazin à la série, elle ne doit pas être un double de l’œuvre originale qui serait dans un respect amoureux mais un être esthétique qui est le comic book multiplié par les attributs de l’audiovisuel. Avec le départ de Franck Darabont, j’espère que son remplaçant conservera cette ligne de conduite…

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la genèse de cette série, je vous suggère la lecture de The walking dead making of : le guide officiel de la série de Paul Ruditis. Et pour ceux qui n’ont pas encore vu la saison deux, rendez-vous le 21 avril à 19h30 au Forum des images.

Samuel Bilboulian


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INFORMATIONS
Date : 17/04/2012 à 15:05
Auteur :
Tags : the walking dead comparatif amc comic book série tv
Fiche série : The Walking Dead

Catégorie : Spin-Off
Sous-Catégorie : Dossier



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