Quelle politique de fiction pour l'audiovisuel public ?

"Y a-t-il une mission de service public en ce qui concerne la fiction ?" C'est la question difficile posée par Sullivan Le Postec sur Le Village. Une question pour laquelle il n'est pas aisé, à priori, de lui trouver une réponse systématique.

Le déclencheur principal de cette inquiétude est l'annonce, faites en début d'année, par le président de la République. Comme la plupart de ses coups médiatiques, cette annonce se distinguait par son aspect improvisé, non pas dans la communication (car là, l'équipe présidentielle est très huilée) mais dans la préparation que nécessite en amont un tel changement : la suppression pure et simple de la publicité sur l'audiovisuel public.

Une intention bonne difficile à contester. Mais quand il s'agit de creuser et de regarder au fond des choses les conséquences qu'un tel acte devrait engendrer, il est également impossible de ne pas élever la voix.

C'est ainsi que, depuis environ deux semaines voire un mois, les médias relaient de leur propre chef différentes propositions et réflexions sur le sujet. A ce petit jeu, Télérama remporte le gros lot avec ses 10 points clefs :

1. Inscrire la télévision et la radio publiques dans le préambule de la constitution
2. Réduire la publicité à 2 minutes par heure d'ici 2012
3. Augmenter la redevance
4. Faire de France Télévisions une entreprise unique
5. Créer huit grandes chaînes nationales et une chaîne sans pub pour les enfants
6. Substituer l'ambition de l'audience à l'obsession de l'audience
7. Réformer les modalités de nomination du président de France Télévisions
8. Faire de France Télévisions sur Internet un vrai service public
9. Augmenter la contribution des chaînes privées au financement de la création audiovisuelle
10. Accroître la qualité, la créativité et l'innovation des programmes
    

Ces propositions ont été suivies de nombreuses réactions. Du député UMP et membre de la commission Copé Patrice Martin-Lalande, à Dominique Wolton, directeur de l'Institut des sciences de la communication au CNRS. Beaucoup y ajoutent leur grain de sel. Et s'ils ne sont que rarement d'accord avec toutes, cette rénovation fait débat.

Pour en revenir à l'article du Village, l'un des points clefs selon moi qui correspond à la fiction est un manque d'ambition. Lequel a été sur l'audiovisuel public, selon Sullivan Le Postec, "ramené pas loin de zéro".

Selon moi, c'est même pire que ça. Il existe effectivement une toute petite part d'audace comme la série Les Oubliées peut l'incarner, mais c'est encore un univers qui correspond à ceux partagés par les français. Mieux réalisé, avec une photo extraordinaire, on pourrait lui donner tous les qualificatifs. Mais on plonge constamment dans le policier. Ce n'est finalement qu'un petit risque qui traduit un malaise au sein de la machine de production audiovisuelle française.

De l'étage des scénaristes, à celui des producteurs puis celui des diffuseurs. L'auto-censure est présente à tous les niveaux. Une auto-censure que le câble aux Etats-Unis a su faire sauter très souvent. Et il sera intéressant de voir dans la métamorphose qui s'opère comment les chaînes de la TNT vont elles-même apporter la concurrence nécessaire vers une course à la qualité et à la production de nouveaux projets.

Paradoxalement, j'espère que la suppression publicitaire du service public sera pour ces chaînes une bénédiction, et pour leurs actionnaires, et pour les téléspectateurs, si elle s'accompagne d'une politique de création similaire à celle du câble aux Etats-Unis.

L'article du Village se termine sur une vidéo fortement intéressante et qui devrait d'ailleurs vous faire rigoler : il s'agit d'un montage vidéo des déclarations du chef de l'état au cours de sa carrière politique sur le thème spécifique de l'audiovisuel. Elle a été diffusée dans le cadre de la soirée de l'Appel du 2 Juin aux Folies Bergères. Une vidéo qui agit comme une caisse de résonance aux propres contradictions de Nicolas Sarkozy.