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Pourquoi la fiction de France Télé est impuissante



"J’en ai marre qu’on donne l’exemple de la BBC, je veux que la télévision publique française soit un exemple dans le monde" disait Nicolas Sarkozy en janvier 2008 en lançant la commission pour la nouvelle télévision publique dirigée à l'époque par Copé. Depuis, les torrents ont coulé sous les ponts et ont fini par déborder de leurs lits.
On nous disait que la suppression de la publicité, qui n'est pas en soi un acte inutile, allait apporter de la pugnacité, de l'audace, de la puissance et de l'intelligence aux programmes du service public ? Bilan du côté de la fiction, programmes qui nous concernent directement : non seulement, on n'a senti aucune différence mais pire, France Télévisions semble avoir même régressé. Et la pression de l'audience, qui aurait du de toute évidence lever un peu le pied, est restée exactement la même.

Cette réforme a eu un double effet : plonger les finances du groupe public dans un profond doute. La sécurité d'un financement par l'Etat du manque à gagner a mis du temps à venir et l'augmentation de la redevance (de 118€ à 121€) est largement insuffisante en comparaison des 145,5£ (161€) que les anglais paieront pour la BBC au 1er avril.

L'autre effet est une conséquence de l'improvisation généralisée de cette réforme. Le passage à l'entreprise unique a complètement bouleversé les habitudes des producteurs et les relations qu'ils entretenaient avec France Télévisions. Alors que la BBC avait réfléchi à un processus lent pour modifier son régime sur plusieurs années, France Télévisions s'est vue contrainte de tout chambouler en 6 mois. Et ce passage à l'entreprise unique, dans le secteur de la fiction, a son importance.

Auparavant, les producteurs s'adressaient à chaque chaîne directement. Désormais, et c'est aussi pour ça que la ré-organisation de la fiction de France Télévisions en a fait crier plus d'un, il n'existe plus qu'un interlocuteur unique qui ensuite dispatchera les projets en fonction des besoins des chaînes. Problème : le carrefour de ces projets est un bordel monstre. Et il y a une raison (entre autres) à cela, le CSA. Celui-ci, nommé pourtant par le président, ne veut pas que France Télévisions prenne la forme de la BBC. A savoir, une chaîne par tranche d'âge. Selon le CSA, toutes les chaînes de France Télévisions doivent s'adresser à tous les publics. Il peut y avoir des différences de lignes éditoriales mais pas dans le public ciblé. Une frontière floue (et surtout bête) qui n'a pas empêché au CSA de remonter les bretelles à France 4.

Bilan, tant que cette position n'évoluera pas, jamais on ne verra France 4 devenir l'équivalent de la BBC3. Dommage, on aurait bien aimé voir une chaîne française prendre autant de risque que cette dernière quand elle diffuse How Not To Live Your Life ou Lunch Monkeys. De toute évidence, ce n'est pas pour tout de suite. Car tout n'est pas la faute du CSA, loin de là. Les chaînes étalons que sont France 2 et France 3 ont également les poings liés mais pour d'autres raisons.

L'incompétence ? Peut-être. Mais constatons d'abord sur un exemple récent. France Télévisions vient d'adresser aux producteurs un appel à projets pour France 2 (et France 4) à trois mois du changement du président de France Télévisions (et donc, très probablement, du départ de Patrick de Carolis). Cet appel à projets se découpe en trois temps :
  • Séries policières de 52 minutes non feuilletonnantes : leur objectif est de produire 12 épisodes par an. A partir des projets reçus (date limite du 15 juillet), ils en sélectionneront 5 mais seulement 2 (de ces 5) partiront au tournage du pilote,
  • Comédies de 26 minutes : 12 épisodes également. Clôture du dépôt des dossiers au 1er juillet. Pas d'infos concernant leur développement,
  • Séries Nouvelles Générations de 40 minutes : 20 épisodes. Nouvelles Générations est en fait le terme utilisé pour les séries jeunesses.

Vincent Meslet, ancien chef de la fiction à France 3 qui depuis juin 2009 supervise la fiction du groupe, a répondu à Scénaristes.biz. En voici une sélection : "nous voulons des sujets originaux (...) il s’agit de mettre en place de nouvelles méthodes de travail (...) nous étudions différentes combinaisons de soirées qui comporteraient la diffusion successive de 26’ et de 52’ (...) nous avons besoin de nouveautés (...) L’idée générale est de faire des propositions fortes dans cette phase de renouvellement, et nous ne nous engagerons pas au-delà du raisonnable, tout ce qui sera commandé devra être mis en production avant 2012."

Beaucoup de promesses et de mots en l'air. En vérité nous dit-on, rien ne sera décidé avant le renouvellement de la présidence de France Télévisions. Un gros bobard dans lequel ne tombent pas les scénaristes. D'autant qu'ils risquent de ne pas être payés. Vincent Meslet dit que les producteurs pourront puiser dans le compte de soutien du CNC mais tout le monde n'en profite pas et la sélection est rude. Autre non-dit, cet appel à projets demande une présence féminine dans les personnages. Une héroïne. Ce n'est pas que l'élément féminin soit une gène. Le véritable problème, c'est qu'on demande d'un côté de l'originalité aux auteurs mais de l'autre, on leur dicte le contenu (en l'occurrence, l'héroïne est un automatisme made in TF1 et M6). Il faudra un jour faire son choix.

Parlons également de cette politique de pilotes et attardons-nous sur le cas des séries policières. Sur les 5 projets, seuls deux seront tournés. Alors qu'on aurait pu s'attendre à 5 pilotes tournés, on aura 2 épisodes tournés pour chaque série. Qui, d'autant plus, ne seront même pas forcément développées jusqu'au bout. Autrement dit, c'est de la production de téléfilms déguisée en production de pilotes. Ou plutôt, en une production de pilotes à la française. Le système britannique est lui beaucoup plus pertinent (exemple de la BBC3) : plusieurs pilotes (comprendre, c'est plus que deux) sont commandés, tournés puis diffusés. Ceux qui fonctionnent le mieux sont développés en série.

Ce n'est pas l'unique incohérence. Cet appel à projet parle de "public familial" pour les comédies. Jusque-là, rien de trop étonnant même si on a vu les dégâts de cette décision sur la saison 2 de Fais pas ci, fais pas ça. Sauf que ce critère de "vocation familiale" se retrouve également parmi le cahier des charges des séries dites Nouvelles Générations.

Autant de points noirs dans un appel à projets qui a bien des chances de sauter avec le changement de président de France Télévisions. Vincent Meslet fait ce qu'il peut pour conserver son poste mais il a très vite perdu l'estime des scénaristes. Officieusement, le syndicat des scénaristes français (UGS) trouve ce comportement abjecte. Bref, rendez-vous dans trois mois pour faire un nouveau point dans ce pays merveilleux de la fiction de France Télévisions.


     


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INFORMATIONS
Date : 26/03/2010 à 16:00
Auteur :
Tags : fiction france televisions vincent meslet appel à projets
Chaine : France 2
Catégorie : Bla Bla Bla
Sous-Catégorie : Business


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