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Séries Mania 2016 : Le bilan



Hier, je quittais pour la septième année consécutive le Forum des Images avec un peu de tristesse dans le bas-ventre. La fin de Séries Mania, c'est toujours un pincement au cœur quand t'as passé plus d'une semaine à t'ingurgiter de propositions créatives, ou non, de toute la planète. T'as le blues et t'y peux rien.

(merci à @Mary_crumble pour la photo)

Une saison de polars

Pourtant, cette année, le blues a commencé un peu plus tôt. En découvrant la programmation, une légère déception a pointé le bout de son nez et s'est confirmée lors des projections. Les polars atmosphériques d'influence nordique, avec ou sans disparition d'enfant, se multiplient un peu trop rapidement à mon goût. Certains en ont fait une indigestion et c'était pas loin d'être mon cas.

Étant passé émotionnellement totalement à côté de Beau Séjour, prix du Public, je citerai cependant la suédoise mais néanmoins solaire Springfloden (Spring Tide) ainsi que l'atmosphère toute en tension de l'israélienne Mama's Angel. Deux séries qui ont retenu mon attention en ayant su faire un pas de côté afin de raconter une histoire classique de manière un peu différente, dans leur approche ou dans leur rythme.

 

Compétition internationale

Séries Mania nous promettait cette année une grande nouveauté. Un jury international, présidé notamment par David Chase, devait juger 8 séries internationales. Pas de bol : n'ayant pas vu les deux qui ont gagné, je n'ai pas grand chose à dire sur le sujet. The Kettering Incident, un polar australien, a remporté le prix spécial du Jury.

Et, surprise, alors que Beau Séjour ou Nobel revenaient très régulièrement dans les conversations, c'est El Marginal, une série argentine "désobéissante" et "créative" selon le jury, qui a remporté le Grand Prix. Il y est question d'univers carcéral, de violence et, parait-il même, d'humour. Les chances pour qu'on la voit arriver sous nos latitudes restent cependant très minces... mais qui sait ?

 

Cinéma vs. Séries : épisode 154

Dans "Séries Mania", il y a le terme "Séries". Mais une partie de l'encadrement du festival semble développer une résistance face à cette audacieuse idée. On se souvient déjà il y a quelques années d'avoir entendu dans la bouche de Laurence Herszberg, directrice générale du Forum des Images, que la série était un "sous-genre" vis-à-vis de la littérature. Peut-être s'était-elle mal exprimée sur le moment, avec l'émotion et le stress, certes, mais la répétition de bourdes de ce type ne plaide pas en sa faveur. Et comme tous les ans, il a ainsi fallu que le genre sériel fasse des courbettes devant l'art majestueux du Cinéma. Comme s'il fallait avoir honte de revendiquer le terme "Série" dans un festival sur les séries.

On l'a également ressenti au travers d'un thème, celui de l'addiction. Il faut probablement l'aborder avec un second degré nécessaire, comme lors de la conférence de Thomas Destouches intitulée "Sommes-nous vraiment 'addict' ?" Mais c'était beaucoup moins léger et malin à d'autres moments, du sketch d'ouverture de Nora Hamzawi qui semble l'avoir écrit un peu à l'arrache, à la clôture, là encore dans la bouche de Laurence Herszberg. Les yeux écarquillés, la télécommande en intraveineuse, est-ce que nous sommes condamnés à être qualifiés d'addicts plutôt que des sériephiles en bonne santé ? Attention, gros mot : est-ce qu'on pourrait même être sériephile comme on peut être cinéphile ? Ou la télé serait soi-disant un facteur aggravant dans le cadre d'une relation de dépendance ?

Okay, dac, prenons-le avec de l'auto-dérision, pourquoi pas. Mais au bout de 7 ans, mon petit Séries Mania, on aimerait que tu sois un peu plus exigent et un peu plus respectueux que ça. Pour nous et surtout pour toi. D'autres festivals comme celui de La Rochelle ou Série Series ont une simplicité et une humilité qui te feraient un grand bien.

Chez toi, au-delà de cette polémique sur l'addiction, on ressent quand même, plus globalement et chaque année, le besoin maladif d'une légitimation de la série, pratiquée souvent de manière maladroite au regard de critères qui correspondent à certaines classes sociales très particulières (et très parisiennes). Comme si tu étais pris entre ton succès populaire logique vu la diversité et l'ampleur de ta programmation, et le besoin politique de s'affirmer comme un événement culturel majeur en France... et maintenant à l'international. Maintenant que tu veux représenter toutes les télévisions du monde, rentrer dans le jeu de l'élitisme culturel français, qui a justement contribué à mettre la télévision française à la marge de la compétition mondiale pendant des dizaines d'années, serait une erreur historique aberrante. S'il te plait, ne cède pas !

 

Les séries francophones

Comme tous les ans, le jury de la presse internationale récompensait des séries francophones. La meilleure interprétation masculine est revenue à Angelo Bison qui joue une sorte d'Hannibal Lecter dans Ennemi Public, série belge. Même si j'ai aimé cette série notamment pour sa sincérité, je crois que cette performance d'acteur a été l'une que j'ai le moins apprécié parmi toutes celles que j'ai pu voir au cours du festival bizarrement...

L'interprétation féminine revient à Laurence Leboeuf qui incarne dans Marche à l'ombre une "criminologue", c'est-à-dire une sorte d'agent de probation qui suit le parcours de repris de justice en phase d'intégration. La série est l'un de mes coups de cœur du festival et propose des longues scènes dialoguées entre collègues d'un naturel et d'une justesse incroyable, offrant une radioscopie sociétale parfaite.

Enfin, la meilleure série revient à La Trêve, l'autre série belge francophone, vue en début de festival dont je n'ai pas conservé énormément de souvenirs. La faute à sa trop grande proximité avec ces fameux polars poisseux qu'on a l'impression d'avoir déjà vu 150 fois. Reste qu'une telle qualité de production avec un si petit budget représente un sacré tour de force.

Outre Marche à l'ombre, mon autre série préférée du festival se nommait Irresponsable. Il s'agit de la prochaine comédie d'OCS qui met en scène un personnage d'adulescent régressif et idiot comme il faut. De toute façon, on sait très bien que quand les comédies et les séries dramatiques n'ont pas leurs propres catégories, il est très rare que les comédies l'emporte... D'autant que Séries Mania, qui a fait un effort tout de même cette année en réservant à Irresponsable et The Writer (à la limite de la comédie pour celle-ci) de véritables projections, a toujours eu du mal à offrir aux comédies une place légitime. La plupart se voient enfermées dans des "marathon comédies" en mode pot-pourri. Là encore, l'influence culturelle du cinéma français plane sur nos têtes...

 

Les séries du monde

Un jury composé de blogueurs a également jugé 17 séries du monde. La mention spéciale est revenue à London Spy, une troublante série anglaise sur l'espionnage et l'amour, et qui est d'ailleurs longtemps restée en haut des recommandations sur Spin-Off. Et ils ont attribué le prix de la meilleure série à NSU German History X, que je n'ai pas vue (décidément), sur la radicalisation d'une jeunesse allemande après la chute du mur de Berlin. C'est la deuxième année consécutive que l'Allemagne remporte le prix des séries du monde après Deutschland 83 l'année dernière. Il se passe quelque chose outre-Rhin.

 

Les séries américaines

Pour la première année, l'Association des Critiques de Séries a également décerné un prix à Mr. Robot, l'excellente création américaine de Sam Esmail diffusée là-bas sur USA Network et prochainement chez nous sur France 2. Je me sens obligé de faire une remarque, qui s'inscrit dans la réflexion que je porte sur la diversité des séries depuis un certain temps maintenant. Je ne comprends pas en quoi une industrie comme celle d'NBC, CBS et consorts a besoin d'une telle discrimination positive. Pourquoi les séries US plus que les séries UK par exemple ? En quoi ce territoire a besoin d'être mis en valeur ? Qu'est-ce qui le justifie artistiquement, créativement, culturellement, dans le cadre d'un festival français qui veut célébrer les séries dans toutes leurs diversités ?

Cela tombe sous le sens pour la sélection francophone - tout comme les américains, les anglais, les australiens (etc) s'intéressent à leurs propres créations dans leurs propres cérémonies... Mais un prix réservé aux créations américaines ? Cela ressemble davantage à une recherche d'attention qu'un à un véritable message ou une vision portée sur la création télévisuelle d'aujourd'hui. Et pour ma part, j'attends personnellement bien plus de l'ACS que de reproduire cette fascination morbide pour une industrie auto-centrée qui est déjà soutenue culturellement et économiquement partout dans le monde dans la démesure la plus totale.

 

Le prix du public

Le public a eu également son mot à dire puisque chaque personne pouvait voter à l'issue des projections et ainsi récompenser une série. L'année dernière, il avait élu Olive Kitteridge et Kfulim (False Flag) ex-aequo. Bon, on a du mal à imaginer qu'un ex-aequo parfait puisse être possible vu la configuration du vote mais pourquoi pas (on aimerait d'ailleurs avoir un peu plus de transparence de la part du festival sur le sujet...). Cette année, ex-aequo également, Beau Séjour repart avec un prix en compagnie de Jour Polaire. A noter que Beau Séjour sera diffusée sur Arte et Jour Polaire est une co-production Canal+ / SVT. On pourra voir ce très classique polar à la rentrée.

Dernier prix, celui des webséries, a été attribué par le public qui peut voter sur le web et pendant les projections à Dating Dali. Vous pouvez la découvrir vous-même par ici.

 

La Room de Studio 4

Enfin, je voulais partager un enthousiasme débordant pour une séance qui a eu lieu en toute fin de festival. Il s'agit de La Room, une expérience un peu particulière mise en place par Studio 4, la plateforme de webséries de France Télévisions. Quelques semaines avant le début du festival, ils ont procédé à un appel à projets auprès de scénaristes volontaires : l'idée était ainsi de créer une websérie en 48h pendant le festival puis lue en public par des acteurs confirmés.

Ainsi, Justine Le Pottier, Sébastien Lalanne, Amélie Etasse et Paul Lapierre se sont prêtés à l'exercice après seulement trois heures de répétition ce dimanche soir à 18h30 et nous ont raconté 6 épisodes de 7 minutes environ sur le thème d'Internet depuis la nuit des temps. Chaque épisode introduisait de manière anachronique le web à différentes époques historiques : Jésus, Richelieu et les anglais, Anne Franck et Hitler, etc. Il y était question de tweets, de facecam, de clash de vlog... Même si on sentait que les textes auraient gagné en qualité avec davantage de temps d'écriture, cet humble spectacle vivant auquel a pu assister une petite centaine de spectateurs était absolument kiffant. A renouveler sans hésitation pour les années suivantes.

 

Entre les habituels reproches et une programmation qui de toute façon ne peut-être qu'être inégale d'une année sur l'autre, Séries Mania, et ce dès la première année, s'est imposé comme un rendez-vous nécessaire et populaire. On lui souhaite de le rester aussi longtemps que possible. On sera aussi très attentif au choix du prochain jury international. Une tête de gondole américaine comme David Chase cette année était peut-être un choix judicieux afin de marquer le coup, mais la force et la pertinence d'un festival international n'est pas de se concentrer sur un seul et unique territoire. Peut-être qu'il serait malin, par exemple, de retenir Sebastian Ortega, le créateur de El Marginal, dans l'équation de l'année prochaine ?



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INFORMATIONS
Date : 26/04/2016 à 12:30
Auteur :
Tags : series mania el marginal marche a l'ombre irresponsable
Catégorie : Bla Bla Bla
Sous-Catégorie : Festival


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