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Hervé Hadmar, créateur de Pigalle



Hervé Hadmar est un scénariste à part. Avec son complice, Marc Herpoux, il a écrit et réalisé Les Oubliées, fiction de France 3 que nous avions remarquée pour ses qualités. Et le duo s'apprête à fournir aux abonnés de Canal+ une nouvelle création de leur cru : Pigalle, la nuit (8x52'). Une série que l'on attend de pied ferme d'ici la fin de l'année. Alors qu'il est en plein montage (les trois premiers épisodes sont déjà dans la boîte), Hervé Hadmar a pris de son temps pour répondre à nos questions.
Sur le tournage, Hervé Hadmar donne ses consignes
Crédit photos : Tibo & Anouchka / Lincoln TV / CANAL +

Quel est le pitch de Pigalle ?
Des destins se croisent et se décroisent dans Pigalle autour de deux intrigues principales; 1 : un frère cherche sa sœur dans le quartier et 2 : deux clans s’affrontent pour contrôler Pigalle.

Comment l'idée vous est-elle venue ? Était-ce  une envie de longue date ?
Juste après Les Oubliées, à la terrasse d’un café place Pigalle. Les odeurs, la lumière et surtout, les gens qui marchaient dans la rue. L’humanité de Pigalle. J’y ai vu une arène idéale. En tout cas, une série potentielle. Avec Marc, nous  avions d’autres  idées de séries, d’autres projets en développement mais nous avons tous les deux décidé de plonger immédiatement dans Pigalle, que nous ne connaissions pas plus que ça d’ailleurs. La chaîne nous a loué un appartement dans le quartier et les trois premiers mois, nous les avons passés à explorer Pigalle.

Pigalle, ça ne pouvait être que de nuit ?
La nuit est importante dans Pigalle mais elle ne peut exister qu’en contraste avec  le jour. Les deux co-existent dans la série, comme dans la réalité. Pigalle le jour, Pigalle la nuit : deux mondes différents. Deux atmosphères. Les tensions naissent le jour mais la nuit… la nuit, tout est possible.

Le Club Paradise vient d'ouvrir et fera concurrence au Folie's et au Sexodrome

Qu'est-ce que ce quartier a de particulier ?
Il nous dit une chose : pour vivre dans la réalité, nous avons besoin de créer des mythes. Ce qui m’a attiré, c’est cette concentration d’humanité multi-culturelle, multi-ethnique, multi-sexuelle. À Pigalle, on croise des hommes et des femmes qu’on ne croise pas forcément ailleurs. Des destins brisés, embarqués dans le même bateau, échoués sur la même île. "Lost" in Pigalle. Perdus dans la réalité et dans le mythe. Certains se battent pour échapper à la réalité; d’autres pour échapper au mythe. Tous recherchent l’amour.

Y aura-t-il des éléments fantastiques dans Pigalle ou qui troublent le téléspectateur, comme les pertes de mémoire de Janvier dans Les Oubliées ?
Oui. Oui. Oui. Si vous avez aimé cette distorsion de réalité dans Les Oubliées, vous risquez d’apprécier Pigalle. Mais attention : De l’onirisme, du symbolisme, de l’exploration mentale, oui… mais rien de véritablement fantastique.

Jusqu'où va nous amener la série ? La fin ouvre-t-elle la voie à une saison 2 ?
La saison 1 nous fait découvrir les dessous de Pigalle. Elle résout un certain nombres d’intrigues dont une des deux intrigues principales mais elle ne résout pas tout, heureusement.
L’écriture d’une saison 2 est déjà en cours mais attention; je ne la réaliserai qu’à deux conditions :
1 : Que la saison 1 soit à la fois un succès artistique et publique et 2 : Avoir un script aussi fort que celui de la saison 1. Si, par exemple, la série est un succès mais que je pense que les conditions ne sont pas réunies pour faire au moins aussi bien que la première saison, il n’y aura pas de seconde saison.

Dans Les Oubliées, on retrouvait à plusieurs reprises Janvier dans sa chambre d'hôtel la nuit, prenant du recul sur son enquête. Vous faites parti de ces auteurs qui ont besoin d'attendre la nuit pour écrire ?
Non. En général, la nuit, je dors. Bon, évidemment, sur Pigalle, les derniers mois d’écriture ont été très intenses. J’écrivais le jour, la nuit, 7j sur 7.

Quelles ont été vos références durant l'écriture ?
Les films de Scorsese, Twin Peaks et pour la musique, Morton Feldman et David Sylvian dont je vous conseille le nouvel album qui sort le 14 septembre. En ce qui me concerne, la musique est plus importante que tout le reste. C’est elle qui m’inspire.

Jalil Lespert joue Thomas

Comment vous partagez-vous le travail pour écrire à deux ?
Marc et moi construisons ensemble la série. Nous tirons les fils narratifs, créons les personnages, élaborons notre dramaturgie. Ensuite, nous nous répartissons les épisodes. J’écris toujours la dernière version dialoguée puisque je réalise.

Combien de temps vous a pris l'écriture ?
Entre l’idée et la livraison de la version définitive : 15 Mois.

De quelle façon le scénario de Pigalle est structuré ? Trois intrigues dont une feuilletonnante ? Toutes les intrigues qui s'entrecroisent ? etc...
Les intrigues s’entrecroisent. La série est multi-feuilletonnante donc. Ceci dit, évidemment, à chaque fois, il y a un climax, un cliff… et chaque épisode à partir du 2 explore de façon plus ou moins visible un thème ou plutôt se concentre sur le destin d’un personnage, parfois secondaire. Il ne s’agit pas de boucler son intrigue; de parfaitement régler la problématique de ce personnage mais il s’agit plutôt, pour lui, de traverser un seuil psychologique et de progresser "humainement".
Ainsi, au fur et à mesure que la série avance, les destins se regroupent, les personnages sont obligés de faire des choix : mythe ou réalité ? Vivre ou mourir ?

Qu'est-ce qui se passe entre le moment où vous vous lancez dans le projet et le moment où vous imprimez la version finale du scénario ?
Du travail, des rires, des angoisses, du travail, des certitudes, des doutes, du travail, des rêves, des cauchemars et pour finir, du travail…

Comment les relations avec Canal (et le producteur Lincoln TV) se sont-elles nouées ? C'était immédiatement après Les Oubliées ?
Oui, juste après. Il faut dire que l’impact des Oubliées sur le petit monde de la fiction télé française a été, disons…remarqué. Personne ne nous connaissait Marc et moi, personne ne nous attendait et on aime ou on aime pas Les Oubliées mais à l’arrivée, pas mal de producteurs et de chaînes nous ont contactés pour nous demander si nous avions d’autres idées de séries.
Il faut savoir qu’avec Marc, nous fonctionnons comme ça : nous proposons des concepts. Les prods et les chaînes sont séduites ou pas. Elles nous commandent l’écriture ou pas. En ce qui me concerne, je refuse systématiquement les commandes. Le concept doit venir de nous et nous devons êtres les showrunners du projet. Ce n’est pas par soucis d’ego. Simplement, écrire et réaliser, c’est un métier. Produire et diffuser, c’est un autre métier.
Pour Pigalle, c’est en festival que nous avons rencontré Christine de Bourbon-Busset, productrice chez Lincoln tv. Christine a été séduite par le concept de Pigalle. Nous l’avons proposé à Canal qui connaissait évidemment Les Oubliées et qui, je crois, avait envie de tenter quelque chose avec nous. Voilà. Les choses se sont faites simplement et avec une grande clarté.

Armelle Deutsch joue Emma

Quels types de corrections la chaîne a-t-elle pu vous fournir sur les scénarios ?
Canal nous a poussés à aller plus loin dans nos intentions de départ. Il n’y a pas d’intervention castratrice ou de censure avec eux; pas de guerre : juste un groupe de fous de fictions qui veulent faire "la meilleure série possible". La chaine a été exemplaire durant toute cette aventure, la prod aussi. Christine a été une véritable force vive et une aide de tous les instants.
Tous ont, je crois, accepté mon point de vue : pour ce qui est de la création artistique, quelle qu’elle soit, je ne crois pas à la démocratie. Je crois au mouvement collectif. L’élaboration, la protection et le développement d’un seul point de vue.

Vous êtes également graphiste de métier. Si l'on devait vous rattacher à une école, ce serait l'impressionnisme ?
Bien vu… même si Bacon, Soulages et Hooper sont mes peintres préférés. : pas vraiment des impressionnistes.

Visuellement, le ton bleuté des Oubliées avait marqué les esprits. Vous préparez quoi, cette fois-ci, sur Pigalle ?
Les codes graphiques de Pigalle sont simples et évidents : les néons, le rouge, l’or, la nuit. Des tons plus froids et une lumière plus plate pour le jour. La direction artistique est très précise et avec Jean-Max Bernard, mon chef-opérateur, associés à Marie Jagou la chef-costumière et Françoise Dupertuis la chef-déco, nous avons mis en place une série très très riche visuellement.
Je reviens aux codes. Il ne faut pas en avoir peur. Pas craindre de filmer les néons, la nuit et les stripteases. Ils font partie des stéréotypes, ils font partie de Pigalle. Il faut juste savoir s’en servir et les détourner pour raconter autre chose.

Les conditions de tournage sont particulières sur Pigalle puisque vous ne pouvez pas bloquer la circulation...
Non et il ne faut pas. Je voulais mettre mon équipe technique et artistique "en danger". Ne pas avoir le confort habituel nous obligeait souvent à "voler" des images, à tourner quand, normalement, il n’aurait pas fallu tourner.
Je voulais travailler au milieu de la foule, sans arrêter la vie. Je voulais que la réalité de Pigalle imprègne la pellicule; qu’elle se mélange à la fiction; à l’exploration du mythe que je propose.
De cet inconfort est vraiment né une "sensation du réel" accrue.

Tout comme Braquo, vous tournez en 35mm. C'est un plaisir ?

C’est une nécessité bienvenue. La démocratisation des télés full HD, la prochaine explosion du Blu-ray et des nouvelles normes de diffusions nous obligent à être plus exigeants sur les images que nous proposons. Les réalisateurs et les chef-opérateurs en sont les premiers satisfaits mais demandez aux responsables de la fiction chez Canal ce qu’ils en pensent . Ils vous diront qu’ils sont plus que ravis de la tournure technique que prennent les choses.

C'est vrai que vous conservez des bouts de scènes improvisés ?
Ah oui, alors ! Quand vous avez la chance de travailler avec des comédiens comme Jalil, Simon, Armelle, Igor Skreblin ou Yasmine Belmadi qui va terriblement nous manquer (NDLR : Il est mort le 18 juillet des suites d'un accident de scooter), vous profitez de ces moments de grâce qu’ils vous offrent. À partir du moment où le personnage est respecté, où le sens de la scène n’est pas altéré et où le timing le permet… vive l’impro.

Simon Abkarian joue Nadir, propriétaire du Folie's et du Sexodrome

Que pensez-vous des séries françaises ?
Que je les aime plus qu’hier et moins que demain. Nous ne sommes pas encore en train de fabriquer The Wire, Mad Men ou Les Soprano mais petit à petit, nous nous rapprochons, je crois, de la qualité de certaines séries anglaises. C’est sûr, dans quelques années, deux, cinq ou six ans, il y aura une série en France qui va "tout casser". Il faut juste y croire, travailler et se battre pour continuer à progresser.

Quel étage de la production empêche l'émancipation complète de notre fiction française ? Les chaînes ? Les producteurs ? Les scénaristes ?
Il y a dix ans, ce n’était pas une question d’étage mais d’immeuble tout entier. Aujourd’hui, une nouvelle génération de décideurs prend petit à petit le pouvoir dans les chaînes et les prods. Des gens nés avec la télé, avec les séries. Enfants, ils regardaient Les mystères de l’ouest, Mission Impossible et Vidocq. Ils aiment les séries ; il les connaissent, les regardent et avec l’érosion de leurs parts de marché, ils comprennent qu’il faut faire quelque chose.
Il y a une véritable volonté éditoriale des chaînes. Donc, les choses bougent un peu. Après, il faut également perdre les mauvaises habitudes et qu’une nouvelle génération de producteurs et d’auteurs investissent les lieux. Facile à dire… N’oublions pas non plus que nous sommes en pleine révolution industrielle et que la télé telle que nous la connaissions est agonisante.
Le spectateur devient de plus en plus son propre programmateur. Il s’affranchit du seul écran télé pour explorer et consommer en multi-support. Les grandes chaines hertziennes ont donc un seul et unique choix : la prise de risque. Changer ou voir l’âge moyen de ses clients se rallonger trop dangereusement pour continuer à intéresser les annonceurs. Changer ou la mort lente.

Quelles sont vos séries préférées ?
Lost, véritable tour de force narratif. Six Feet Under, The Wire. je ne crois pas à une crise de la série US. Tous les deux ans, une série émerge. Ok. Les Soprano, c’est fini, The Wire aussi mais aujourd’hui, il y a Mad Men, Breaking Bad et demain, The Walking Dead… tiens… trois séries AMC… probablement la chaîne qui prend le plus de risques aujourd’hui et qui donne le pouvoir à ses créatifs.


     


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INFORMATIONS
Date : 16/08/2009 à 14:48
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Tags : hervé hadmar interview pigalle la nuit
Fiche série : Pigalle, la nuit

Catégorie : Interview
Sous-Catégorie : Créateur



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