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Nonce Paolini raille la "destruction de valeurs" par M6



Le chef de TF1, Nonce Paolini, s'est livré à une interview très intéressante dans Le Figaro. Son propos démontre point par point en quoi la télévision française est et restera impuissante tant que ce genre de discours sera tenu à la tête des chaînes françaises. Vu qu'il semble s'adresser à nous, la masse qui regarde la télévision, j'ai décidé de lui répondre.
La concurrence fantasmée de la télévision française
"À cela s'ajoute une situation concurrentielle sans précédent en France: le marché de la télévision gratuite voit s'affronter pas moins de 25 chaînes détenues par 9 opérateurs différents."

"Les gouvernements successifs ont multiplié les erreurs en privilégiant la surabondance de l'offre de télévision. On en mesure les effets désastreux sur la santé du secteur audiovisuel, c'est-à-dire sur son financement et du coup sur son dynamisme créatif."
Petit aparté sur le "dynamisme créatif" : L O L.

Plus sérieusement, au Royaume-Uni, le nombre de ces chaînes gratuites n'est pas loin des 50. Le "TF1" anglais, ITV, est la deuxième chaîne du pays, derrière BBC One, et elle a une audience moyenne annuelle aux alentours des 15% (contre un peu plus de 23% pour TF1). Cela ne l'empêche pas de réaliser des scores d'audience surdimensionnés, comme avec Downton Abbey, qui rassemble plus de 10 millions de téléspectateurs à chaque épisode. Ce qui n'est pas arrivé à une création de TF1 depuis belle lurette alors que la concurrence est bien moins importante en France, contrairement à ce que vous affirmez de manière extravagante.

M6 casse ses prix
"Se lancer dans une course folle qui effondre autant les prix est destructeur de valeur. Et cela n'est de l'intérêt de personne: ni des télévisions, ni de celui des annonceurs qui ont besoin de médias en bonne santé! Ça n'est pas non plus celui des téléspectateurs qui pourraient être confrontés à une dégradation de l'offre de programmes si la raison ne l'emporte pas !"
La destruction de valeur, monsieur je-sais-tout, n'est pas qu'économique, elle est aussi artistique. Petite démonstration... Vous payez et considérez un scénariste à sa juste valeur, il fait des séries à sa juste valeur et avec un peu de chance, il a du talent donc ça vous fait un hit. Vous sous-payez et sous-considérez ce même scénariste et il arrête de travailler ou il va voir ailleurs. Ca vous fait un manque à gagner car avec un peu de chance, il va faire des hits chez des concurrents.

La destruction de valeur, comme partout - et particulièrement dans le métier de l'audiovisuel - est aussi (et surtout ?) une affaire éditoriale. Si vous commandez de la merde, ne vous étonnez pas de diffuser de la merde. Quant à la "dégradation de l'offre de programmes", soyez rassurés, il n'y a aucun risque : la télé française est l'une des moins créatives parmi les pays dont le marché est équivalent - et la responsabilité réside en grande partie dans les choix éditoriaux de TF1. En gros, tomber plus bas est possible, mais la différence sera tellement infime que personne ne s'en rendra compte, pas même vous dont le regard sur la télévision française semble d'une très grande lucidité.

Et par ailleurs, pour compléter la chose, oui, M6 se comporte comme une chaîne de la TNT et oui, c'est anormal qu'une chaîne produise aussi peu de fiction. Mais c'est clairement un choix éditorial - et vous n'imaginez pas à quel point je préfère regarder un Top Chef extrêmement bien produit plutôt qu'une relique Joséphine ange gardien, qui rémunère Mimie Mathy à l'épisode plus qu'un acteur de la série Lost par exemple (au moins, ça réussit à quelqu'un après tout...).

Les publics et le ciblage
"Ce que nous souhaitons, et ce que nous réussissons, c'est toucher le public le plus large possible et non pas nous focaliser sur la seule cible des femmes sur laquelle M6 et la plupart des chaînes de la TNT se cannibalisent. Car c'est oublier purement et simplement tous les autres téléspectateurs qui sont aussi des prescripteurs et des acteurs économiques! Pour faire court, ce n'est plus seulement cette fameuse ménagère de moins de cinquante ans qui décide des achats du foyer. La société a évolué."
Allons bon, vous êtes en train de nous expliquer que, pour s'adresser à un public large composé de communautés, qui n'ont jamais été autant décomposées grâce à la multiplication des écrans, il faudrait... faire des programmes larges s'adressant à tout le monde. Hey, monsieur Paolini, vous savez, depuis 1990, y a eu l'invention d'Internet par exemple, des smartphone, tout ça. Vous croyez vraiment qu'une stratégie des années 90 peut fonctionner en 2013 ?

Aujourd'hui, ce qui fonctionne le mieux (ou le moins pire), c'est justement le ciblage de chacune des niches. C'est ce que parvient à faire la BBC avec l'ensemble de ses chaînes, et ce que ne parvient pas à faire France Télévisions à cause d'un COM (le cahier des charges de France Télévisions) complètement aberrant. Et vous, la seule chose que vous faites en ce sens, c'est la diffusion de Secret Story tous les ans à 22h30. Voilà le seul programme qui pourrait vous faire dire "on s'adresse à tous", et particulièrement aux jeunes.

La coproduction internationale, sauveur de la fiction française
"[Les séries françaises] touchent surtout des publics âgés tandis que les séries américaines font le plein d'un plus jeune public que les annonceurs considèrent comme le plus intéressant. L'enjeu est considérable pour notre exception culturelle! Et les coproductions internationales représentent une voie très intéressante."
Donc, la chaîne qui a été privatisée sur l'autel du "mieux-disant culturel", est en train de brandir la coproduction internationale (l'interview abordait Jo, la série avec Jean Reno), qui fait intervenir des créateurs étrangers, comme sauveur de l'exception culturelle française. Donc, si je vous comprends bien, les forces de création françaises sont incapables de sauver l'exception culturelle française. Non mais là, je ne vous suis plus, on parle de l'exception culturelle française, hein ? Ne vous sentez pas obligé de justifier ce soudain besoin d'une fiction française imaginée par des américains par le besoin d'une exception culturelle française qui s'exporte. Vous avez vraiment envie que TF1 vende la France vue par les américains ? Vous avez envie que les téléspectateurs aient cette image de la chaîne ? Mais, genre, VRAIMENT ? A la limite, ça me rassurerait que vous me répondiez : "euh, non, c'était une boutade, je veux juste faire de la thune."

Enfin, reste que vous vous plantez de diagnostic. Pourquoi ne pas parler plutôt de l'échec de votre stratégie éditoriale en ce qui concerne les séries françaises ? Un échec prolongé depuis des années par Nathalie Laurent, directrice fiction de TF1, qui n'a plus la confiance de ses équipes et qui est, selon des bruits de couloirs véhiculés par des gens au sein de votre boîte, sur un siège éjectable ?

Un échec que n'a su enrayer André Béraud, son prédécesseur, parti/démissionné au bout d'un an car, d'après mes informations, il n'a pu s'adapter aux "besoins" de ce poste qui requiert de sacrifier l'exigence artistique sur l'autel des obligations économiques - autrement dit, de faire la boîte aux lettres avec les maisons de production "amies" de TF1. C'est dommage, il a encore prouvé très récemment son talent à Radio-Canada. Mais vous ne lui avez pas laissé la possibilité de s'exprimer. D'ailleurs, ça tombe bien, il ne veut pas s'exprimer à ce sujet - lui auriez-vous demandé de signer une clause de confidentialité (c'est ce qu'on me rapporte mais je me contente de vous poser la question...) ? Et du coup, pourquoi cette clause ?

La production en interne
"Ce rééquilibrage passera par une nouvelle donne avec notamment le rétablissement des parts de coproduction en faveur des chaînes, avec la possibilité d'investir dans la création en prenant des participations dans les sociétés de productions, ce qui implique une nouvelle répartition entre production dépendante et indépendante."
Oui, économiquement, la définition de la télévision française au sein des fameux décrets Tasca est une plaie béante pour la création. Aujourd'hui, aucune chaîne ne peut tirer réellement profit de ses productions. Bon, pour les chaînes privées comme vous, M. Paolini, vous avez les revenus publicitaires, donc permettez-moi de ne pas vous plaindre. Ce qui est en revanche inadmissible, c'est que le service public soit associé à une telle folie.

Pour résumer ces décrets Tasca, en gros, ils obligent les chaînes à faire appel à des producteurs indépendants. Au Royaume-Uni par exemple, la BBC produit en interne de nombreuses séries... et en tire profit, très logiquement. En France, toutes les chaînes de France Télévisions (mais aussi toutes les autres chaînes privées) doivent commander leurs programmes à des tiers privés. Plus Belle La Vie représente par exemple un pactole de 30 millions d'euros par an. Tout cet argent ainsi que les bénéfices liés à la série tombent dans la poche du producteur, Telfrance. Chez les anglais, toutes les séries quotidiennes sont produites en interne (et donc les bénéfices profitent à tout le service public). Au final, le groupe BBC rapporte deux fois plus à l'économie anglaise que ce qu'il ne coûte aux anglais. Malgré une redevance bien plus élevée que chez nous.

Cela fait des années qu'on soutient, en France, de manière directe ou indirecte, un tissu bien trop important de maisons de production. De ce secteur dont on a industrialisé la fragilité ne sort que des créations fragiles et rarement intéressantes. Il faut évidemment revoir la copie, sur la forme comme sur le fond. Mais cela aurait du être fait il y a bien longtemps. Et rien ne dit que cela sera fait avec le gouvernement actuel...

Bref, cher Nonce, au terme de cette interview, je me suis posé une question : vous regardez TF1 ?


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INFORMATIONS
Date : 13/05/2013 à 11:30
Auteur :
Tags : nonce paolini le figaro fiction francaise series
Chaine : TF1
Catégorie : Spin-Off
Sous-Catégorie : Tribune


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