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Le créateur des Revenants répond à nos questions !




Fabrice Gobert, le créateur, co-scénariste et co-réalisateur de la série événement Les Revenants qui commence demain soir sur Canal+ a eu la gentillesse de répondre à nos questions jeudi soir.
Il revient sur sa passion pour les séries, sur la création des Revenants et répond à plusieurs questions que tout sériephile pourrait se poser en regardant la série.
Première question plutôt générale, êtes-vous un fan de séries ? Que regardez-vous actuellement ? Quelles sont vos séries préférées ?
Il y a beaucoup de séries extrêmement intéressantes, et il faut faire des choix. J'aime bien regarder ce qui se fait, donc je regarde souvent les premiers épisodes de différentes séries. Et quand j'accroche, je les regarde entièrement. L'une des premières séries qui m'a vraiment marqué, c'est The Sopranos, et dans un autre registre, 24. Mais aussi The Wire, Six Feet Under. Là, je suis en plein dans Game of Thrones. Ça va un peu dans toutes les directions, mais je trouve qu'il y a une vraie richesse, beaucoup de projets différents. Je trouve très puissant qu'on puisse faire une série sur à peu près tous les sujets. C'est même parfois plus libre que le cinéma dans le choix des sujets. Par exemple, Ainsi Soient-Ils, je trouve que c'est un sujet vraiment magnifique, qui est plus intéressant à traiter en série qu'en film.

Oui, on peut plus facilement entrer dans les détails de l'histoire, des personnages, avec une série.
Exactement, ça s'y prête vraiment. C'est aussi le cas pour Les Revenants. C'est pour ça que j'ai trouvé que c'était une bonne idée quand on m'a proposé ce projet. C'était un point de départ qui était fantastique pour une série.

D'ailleurs, concernant les Revenants, pourriez-vous nous décrire la genèse de la série ? Qui a eu l'idée d'adapter le film de Robin Campillo pour la télévision ?
J'ai vu le film de Robin Campillo à sa sortie en 2004, mais l'idée est venue de Jimmy Desmarais et Caroline Benjo de Haut et Court qui ont contacté Canal+ il y a environ 5 ans. Ils leur ont proposé d'écrire une série très librement adaptée du film de Campillo. Ils l'ont développée avec différents scénaristes mais ils n'étaient pas complètement sûrs de la direction dans laquelle ils voulaient aller. Il y a environ deux ans et demi, ils ont vu le film que j'ai réalisé, Simon Werner a disparu, et ils ont trouvé qu'il y avait une atmosphère commune avec la série telle qu'ils l'imaginaient. Ils m'ont alors proposé de réécrire et de réaliser la série en reprenant des éléments de ce qui avait déjà été fait par les scénaristes précédents. J'ai repris à la fois des personnages qui existaient dans le film et dans les premiers projets, mais j'ai aussi imaginé mes propres personnages. Ça a plu à la production et à la chaine que j'imagine un univers assez réaliste, où le fantastique puisse surgir, qui colle au personnage, à l'intime, et de ne pas partir d'une masse de revenants, mais plutôt de quelques uns et de les suivre. Qu'on soit à la fois du côté des revenants et du côté des vivants.

A votre avis, est-ce que Haut et Court et Canal+ ont voulu surfer sur la vague des séries de zombies comme The Walking Dead, en accélérant le processus à partir de votre arrivée sur le projet en 2010 ?
Le projet a commencé il y a cinq ans, et on parlait un peu moins des zombies que maintenant. J'ai vu The Walking Dead pendant qu'on était en train d'écrire, j'ai regardé les premiers épisodes et j'ai trouvé ça formidable, mais c'est très différent de notre approche. On n'est pas du tout allés dans cette direction là. Par contre, on s'est toujours dit qu'on ne pouvait pas oublier les références existantes faites aux zombies dans le cinéma ou la télévision fantastique. On l'aborde d'une manière ou d'une autre dans la série, mais plus les épisodes avancent, plus il y a cette idée que les revenants, quand ils reviennent, c'est pour une raison particulière, et en général, ils ne veulent pas du bien aux gens qui sont toujours en vie. On s'est servi de certaines références, mais on n'a pas essayé de copier, car de toute manière, ça aurait été ridicule. J'aurai mal vu un Walking Dead qui se déroule à Annecy !

On peut pas dire que le fantastique soit un genre très présent dans les fictions françaises. Lorsque Haut et Court vous a demandé de prendre le projet en main, avez-vous pris ça comme un défi ? Est-ce que ça vous a motivé encore plus ?
Ça m'a beaucoup inspiré. Je ne voulais pas rivaliser avec les films fantastiques que j'adore et qui ne collaient pas forcément au projet. C'était déjà le cas avec le film de Campillo qui était du réalisme fantastique. Un film intime dans lequel il y avait des éléments fantastiques. Pour moi, les Revenants, c'était une série qui avait des éléments fantastiques. Il fallait vraiment se demander comment on allait faire surgir cet élément fantastique, comment préparer le spectateur à l'idée que le fantastique puisse surgir dans un environnement réaliste. C'était vraiment ça qui m'intéressait, imaginer des personnages interprétés par des acteurs comme Anne Consigny et Frédéric Pierrot, qui sont des gens avec qui on peut être complètement en empathie, et de les confronter à des situations hors norme. Ce qui nous a intéressé lors de l'écriture avec Emmanuel Carrère, c'était de se mettre à la place de ces gens qu'on pourrait connaître et de voir comment ils réagissent à des situations de plus en plus étranges. Au niveau de la mise en scène, on a voulu créer un climat, jouer avec les codes du fantastique, avec la musique, se réapproprier toutes ces choses qu'on aime tous, mais les traiter différemment.

Avez-vous écrit la série seulement avec Emmanuel Carrère, ou il y avait aussi d'autres scénaristes ?
J'ai écrit les cinq premiers épisodes en collaboration avec Emmanuel, et pour les trois derniers, j'ai collaboré avec Fabien Adda, un jeune scénariste passionné de séries et de films fantastiques. Avec Emmanuel, on a beaucoup travaillé sur le rythme et sur la complexité des situations. On a essayé de creuser les personnages, leur histoire, leur personnalité. Et comme j'avais pour volonté dès le début d'aller dans un environnement de plus en plus fantastique, avec Fabien Adda, on a développé cette transition, tout en gardant les personnages comme on les avait créés au départ.

En moyenne, l'écriture d'un épisode vous prend combien de temps ?
L'écriture des trois premiers épisodes nous a pris environ 10 mois. C'est vrai que ça fait un peu peur à dire ! Ensuite, le rythme était un épisode tous les deux mois. C'était assez long à écrire.

Et le tournage ?
Il a duré cinq mois, de fin mars à août 2012. D'ailleurs, on a fini la post-production la semaine dernière.

Au premier abord, on peut trouver une ressemblance de la série avec The 4400 ou Twin Peaks. Ont-elles été des inspirations pour vous ?
Oui, au même titre que Lost, et toutes les séries qui mélangent le fantastique et le réel, qui jouent avec ces codes-là. En ce qui concerne Twin Peaks, je l'ai vue à sa sortie en DVD il y a quelques années. Elle m'a beaucoup marqué, un peu comme tout le monde. Elle a quelque chose d'extrêmement fort, c'est une des premières séries qui était à ce point une série d'auteur. Je pense qu'elle a inspiré beaucoup de séries. Il y a évidemment des points communs entre Twin Peaks et Les Revenants, mais en fait, il y a beaucoup de points communs entre Twin Peaks et plein de séries ! Notamment l'unité de lieu, la façon dont l'étrange peut surgir, la musique. L'importance que revêt la musique dans une série, je pense que c'est vraiment Twin Peaks qui a apporté ça. C'est des choses qu'on voit une fois et qui restent ancrées. Je l'ai pas revue et j'y ai pas forcément pensé en créant la série, mais c'était forcément présent dans l'esprit de tout le monde. Après, c'est une référence qui peut être écrasante, donc on la met un peu de côté. J'avais beaucoup d'autre références en tête, et après m'être immergé dans ces références, je les ai laissé tomber et on a essayé de créer notre propre cadre autour de tout ça.

On s'aperçoit au cours des épisodes que le retour des personnages ne semble pas toucher seulement les proches des revenants, mais aussi le village voire même la vallée toute entière, notamment le barrage, ou le réseau hydraulique... Est-ce là une volonté de votre part de montrer qu'une force supérieure est à l'origine de ces événements ? Un peu comme avec l'île dans Lost ?
L'idée était de commencer avec des retours d'individus isolés, et petit à petit de montrer que le phénomène était plus global qu'il n'en a l'air. On voulait montrer qu'il y a un mouvement beaucoup plus large, lié à cette ville et sans doute à son histoire. Que les habitants de cette ville étaient confrontés à des bouleversements, mais que le retour des morts n'est qu'une partie. On ne voulait pas que ce soit de plus en plus mystérieux, mais de plus en plus ample, voire même de plus en plus complexe, tout en essayant de créer une cohérence. On avait vraiment envie d'être à la place des personnages, un peu comme dans Lost. Qu'ils soient confrontés à des situations de plus en plus étranges, voir la façon dont ils pouvaient réagir et se rendre compte que leur environnement et leurs repères sont complètement bouleversés. C'était intéressant de voir comment chacun réagit de manière différente, comment ils cherchent un sens à ce qui est en train de se jouer. Le spectateur n'a pas d'avance sur les personnages, tout le monde est en train de chercher quelles sont les réponses aux questions qu'on peut se poser. Pourquoi ces morts reviennent ? Pourquoi eux en particulier ? Sont-ils comme avant ? Sont-ils différents ? Est-ce que tous ces morts ont un lien entre eux ? Quel est le rapport avec la ville ? Des questions que les personnages comme les spectateurs peuvent se poser. On amène des éléments de réponses, des clés pour comprendre petit à petit le sens et la cohérence de l'ensemble.

La question religieuse prend de l'importance au fil des épisodes. Était-ce compliqué d'aborder un sujet si vaste mais surtout très sensible en France ?

A partir du moment où on parle du retour des morts, la question de la religion entre forcément en résonance. C'était très important d'en parler, mais sans avoir une théorie particulière entre le retour des morts, la résurrection et la religion. C'était plus intéressant d'avoir des personnages qui ont une théorie différente et qui peuvent s'affronter autour de l'idée que la religion peut apporter des réponses à ce bouleversement. Le personnage de Pierre habite toutes ces réflexions, notamment autour de la Bible. D'autres personnages sont beaucoup plus pragmatiques et se posent des questions de manière très différente, beaucoup plus concrètes, comme Jérôme. Après, c'était intéressant d'avoir un prêtre qui soit plus un philosophe qu'un exégète qui se réfère toujours à la Bible. On voulait avoir autant de visions de la religion qu'il y a de personnages. Que chacun ait son propre cheminement de pensée et que ça laisse le spectateur libre de lui-même de choisir un axe de réflexion ou un autre selon sa croyance ou non. On voulait parler de la mort de manière assez large. S'interdire de parler de la religion, ça aurait été dommage, comme s'interdire les références au fantastique ou aux zombies. Je trouvais qu'il était juste de parler de toutes ces choses-là quand on évoque la résurrection des morts.

On parlait du parallèle avec Lost tout à l’heure. Dans Les Revenants, on peut aussi s'apercevoir que les mystères et l'intrigue avancent assez lentement sans donner beaucoup de réponses. Avez-vous prévu de répondre à toutes les questions soulevées pour éviter une frustration chez les spectateurs comme ça a pu être le cas dans la série américaine ?
J'ai le sentiment qu'à la fin de la première saison, il y a beaucoup de réponses aux questions. Notamment, est-ce que les vivants et les revenants peuvent vivre ensemble, pourquoi ces personnes-là sont revenues et pas d'autres. Après, ce que je trouvais intéressant, c'était de prendre le temps de répondre à ces mystères et que ça ait un sens. L'important, c'était de raconter des histoires et d'aller jusqu'au bout. Qu'on ait l'impression d'avoir épuiser toutes les questions autour de ces phénomènes à l'intérieur de la ville et chez les revenants. Je ne trouve pas que ça avance lentement, ça va plutôt à la vitesse des personnages. Il fallait absolument privilégier ce rythme là, sans avoir recours à une surenchère. Car en fait, il y a plusieurs mystères qui sont liés à la même question : quels sont ces bouleversement qui nourrissent la ville, quelle est leur cause, quel est leur sens ? A mon sens, il y a beaucoup de réponses et de clés à toutes ces questions à la fin de l'épisode 8. La série se construit en mouvement, et la fin de l'épisode 8 est aussi un mouvement qui permet d'envisager un second mouvement. Je ne pense pas qu'il y aura 5 ou 6 mouvements comme dans Lost, pour arriver peut-être à quelque chose de décevant, mais il y a l'idée de prendre le temps d'égrainer les choses et de privilégier le présent, l'histoire et les réactions des personnages face à cette accumulation de situations fantastiques.

La musique est aussi un élément important de la série. Comment s'est fait le choix du groupe écossais Mogwaï pour composer la musique originale ?
C'est un choix fait avec la production. J'avais vraiment envie que ce soit un groupe de rock, et j'ai beaucoup aimé le travail de Mogwaï dans leurs albums et dans le documentaire Zidane, Portrait du XXIe siècle où leur musique était complètement en décalage avec le film. J'ai trouvé intéressant de demander à un groupe habitué à faire des bandes-originales, qui compose une musique très cinématographique, très tendue, très mélancolique, et de leur demander de faire une musique parfois "thriller", parfois "fantastique" puis de voir comment ils allaient s'approprier le genre. L'idée était pas de faire une série 100% fantastique mais qui flirte avec le fantastique, et on voulait faire la même chose avec la musique. On leur a donc proposé le projet, on leur a envoyé deux scénarios traduits et les directions dans lesquelles j'avais envie qu'ils aillent. Et ce qui a été absolument formidable, c'est qu'ils nous ont envoyé la musique avant le tournage. Du coup, on a pu l'écouter pendant qu'on filmait, ce qui nous a beaucoup inspiré dans la réalisation, dans la mise en scène. Ça nous a aidé à créer ce rythme et cette atmosphère.

La majorité des critiques est unanime sur la qualité de la série. Les Inrocks en font même leur une cette semaine, en parlant de la résurrection des séries françaises. Quelle est votre réaction là-dessus ?
C'est très agréable et en même temps assez inattendu. Je ne sais pas quoi dire d'intelligent là-dessus, mais j'espère que toutes les personnes qui ont travaillé sur cette série en prennent pour eux. Je pense qu'on a fait un travail sur lequel beaucoup de gens ont donné de leur personne et tout le monde s'est investi énormément. C'est agréable pour tous ceux qui ont suivi le projet et se sont beaucoup engagés, pour Canal+ et pour Haut et Court qui mènent le projet depuis cinq ans. Je pense que c'est une belle récompense pour toutes ces personnes et pour moi aussi, évidemment !

J'ai lu qu'une deuxième saison est en préparation. Est-ce que l'écriture a déjà commencé ?
Oui, on vient de commencer l'écriture depuis peu. On va voir si la série fonctionne, et si les gens ont envie de voir la suite, on sera sur les starting-blocks.

Donc la suite est en fonction des audiences ?
Exactement. Enfin, je dis ça, mais je n'en suis pas complètement sûr. C'est pas quelque chose que Canal+ m'a dit, par contre, ils m'ont demandé de réfléchir à une saison 2. C'est ce qui explique que dans les derniers épisodes, on s'est vraiment consacré à boucler des trajectoires individuelles et à privilégier l'action, le narratif, le présent, plutôt que de se sentir obligés de mettre en perspective tous les mystères dont on parlait tout à l'heure et de leur trouver une explication rationnelle. On voulait donner les clés, et si éventuellement, il n'y a pas d'autre saison, que ces 8 épisodes se suffisent à eux-mêmes. Mais je vois ça comme un premier mouvement, une première couche qu'on pourra creuser davantage par la suite. C'est le cas des séries qu'on aime bien, en voyant la première saison, on sent qu'il y a beaucoup de choses à développer. Ça serait assez dommage de repartir de zéro dans une deuxième saison.

Si une suite voit le jour, est-ce que ça serait pour l'année prochaine ?

Le problème, c'est qu'on a déjà au moins une petite année de tournage et de post-production, c'est donc difficile d'envisager une suite pour l'année prochaine, c'est certain.

Propos recueillis par Thibault Romieu


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INFORMATIONS
Date : 25/11/2012 à 13:17
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Tags : fabrice gobert les revenants canal+ interview
Fiche série : Les Revenants

Catégorie : Interview
Sous-Catégorie : Créateur



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