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Retour sur la 9ème Journée de la création TV



Le 5 juillet s’est tenue à Fontainebleau la 9eme Journée de la création TV, un événement essentiellement dédié aux professionnels de l’audiovisuel. Spin-Off.fr y était et son compte-rendu, c’est maintenant !

Une journée pour s’imaginer, se projeter, rêver d’une télévision idéale, différente, voilà une belle initiative mise en place il y a bientôt 10 ans par l’APA, une association de producteurs, réalisateurs, scénaristes et compositeurs français.

Pour sa 9eme édition, l’événement a choisi de se consacrer entièrement aux séries. Maintenant intégrée au tout jeune festival Serie Séries (ancien Scénaristes en série) qui soufflait sa première bougie, la Journée de la création TV devient l’espace de réflexion numéro un sur les séries en France. Les invités de prestiges qui ont défilé toute la journée sur la très belle scène Théâtre municipal de Fontainebleau confirme cette volonté insuffler une action positive en impliquant les acteurs qui font tourner ce secteur. L’envie de faire bouger les choses est donc là. Mais que retenons nous de cette journée ?
Trois débats se sont succédé pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans les séries françaises d’aujourd’hui.

Pour le débat d’ouverture, il était question d’économie et plus précisément d’exportation des séries françaises. Après un discours du président de l’APA Jean-François Boyer qui a rappelé qu’ « en dix ans la série est devenue un bien culturel comme le cinéma d’auteur des années soixantes » (ce n’est pas nous, chez Spin-Off, qui allons le contredire…), Rémy Pfimlin, le président de France télévision, est venu exposer les convictions du service public et rassurer les professionnels sur ses missions. Lorsque Jean-François Boyer parle des séries comme des œuvres modernes qui s’adressent aux jeunes, le président de FTV ne manque pas de souligner deux choses : la croissance de France 4, chaîne de l’innovation tournée vers les jeunes qui tend à devenir un nouveau partenaire de la création et la signature d’une charte relative au développement de la fiction. Cette charte insiste sur la nécessité de développer plus de projets pour maintenir une diversité, accompagner la création et l’émergence de nouveaux talents.

L'exportation, un vrai problème ?

En ouverture du débat, Mathieu Béjot, président de TVFI, nous a rappelé que la France exporte peu de programmes de fictions par rapport à ses voisins. Son chiffre d’affaire annuel n’est que de 20 millions d’euros (c’est inférieur au documentaire). Les raisons sont multiples. Tout d’abord, quand on produit peu, on vend peu. Nous produisons deux à trois fois moins de fictions que nos voisins anglais ou allemands. En matière de série, c’est le faible nombre d’épisodes qui revient souvent dans les discussions. Pour Jean-Pierre Guérin, les chaînes françaises qui sont les principales investisseuses en fiction TV, ne prennent pas assez de risques. Elles devraient s’engager sur des saisons de plus de 8 épisodes. Ça freine l’exportation car les chaînes étrangères cherchent à acheter en moyenne 20 épisodes lorsqu’elles s’engagent sur une série. Pour lui, « la puissance d’un pays se mesure au nombre de séries qu’il peut exporter à l’international ». Mais doit-on construire l’économie de la fiction TV et, a fortiori, de la série sur l’exportation ?

L’exportation a des avantages. Elle permet d’assurer le financement des programmes avant leur fabrication, de faire connaître les programmes à l’étranger et permet de développer de nouveaux projets. Aux Etats-Unis par exemple, l’export est la deuxième source de revenu du secteur. Et contrairement à ce qu’on peut penser, les programmes français font de l’audience dans les pays où ils sont exportés, avant tout en Europe. On parle du remake comme d’une alternative au barrage de la langue et de la culture mais ce qu’on observe, c’est que c’est plus valorisant et rentable d’exporter les séries françaises plutôt que de vendre des droits de remake.

Cependant lorsque la série française s’exporte, c’est surtout pour son exotisme (les fictions d’histoire et en costume sont, depuis très longtemps, populaires en Europe de l’Est ou en Russie).

Deux raisons ont favorisé le succès d’Engrenages en Grande Bretagne :
  • la série offre une image détaillée de la France à travers sa capital et son système judiciaire ;
  • le style de la série est assez proche de ce que l’on peut voir sur la télévision britannique.
Par ailleurs, la fiction est domestique. Les cases de prime-time sont à quelques exceptions près, uniquement réservées à des fictions nationales et la fiction exportée sert pour 80% à remplir les grilles de journée.

L’exportation a donc des avantages mais il peut être dangereux pour la qualité et la diversité des séries de penser à son exportation trop tôt. Jean-André Yerlès, président de la Guilde des scénaristes, ne réfléchit pas à l’exportation lorsqu’il écrit sauf dans le cas d’une coproduction. Il faut d’abord chercher à convaincre le public cible de la chaîne qui commande la série. Par la suite, il existe des méthodes pour optimiser l’efficacité de sa série à l’étranger. Le doublage est primordial dans les pays où le public n’est pas habitué au sous-titrage mais aussi l’accroche et le générique. Valérie Lardinois, directrice des acquisitions RTBF, explique que lorsqu’elle visionne des séries, elle ne regarde que les 5-10 premières minutes. Elle regarde plusieurs épisodes mais est très attentives aux génériques.

Histoires et publics

La seconde moitié de la journée s’est ouverte par un débat plus artistique avec comme question centrale : Quelles histoires pour quels publics ?

La première remarque qui s’est élevée est qu’il est important de s’adresser à un public. Nathalie Laurent, directrice artistique de la fiction de TF1, fait très attention à cela. Selon elle, le public va chercher une certaine forme d’exotisme dans les séries américaines mais aime regarder des histoires qui sont plus proches de lui. C’est ce qui fait aujourd’hui le succès de Plus belle la vie qui s’applique à être un miroir évidemment déformé du quotidien des gens.
Thierry Sorel, directeur de la fiction de France 2, annonce la mise en travaux d’un long chantier, l’élargissement du public de la chaîne. Actuellement la chaîne n’a pas de série de prime-time avec des personnages récurrents, qui posent de manière claire l’identité de la chaîne, mise à part Fais pas ci, fais pas ça qui en est à sa cinquième saison. Elle est en décalage par rapport à sa concurrente directe TF1 qui a depuis longtemps installée dans sa grille de programmation des séries récurrentes. France 2 est donc dans une logique de rattrapage et va devoir mettre en place de nouveaux rendez-vous pour structurer sa grille de programmes et atteindre de nouvelles cibles.

Selon Hervé Hadmar (Pigalle, la nuit, Les Oubliées, Signature), le point de vue unique est l’élément fondamental à une bonne série. Le showrunner doit exister, surtout lorsqu’il faut travailler en équipe. En écriture scénaristique, la démocratie n’existe pas. Comme dans un orchestre, il y a un chef qui dirige tous les instruments. Sur Plus belle la vie, le fait d’avoir eu un chef qui s’est imposé de manière presque dictatoriale est ce qui a permi à la série d’accrocher son public, mais sa chance c’est aussi d’avoir eu le temps.

Pour Nathalie Laurent le personnage du showrunner manque en France. Il y a des auteurs qui arrivent à écrire seul six épisodes de 52’ mais il faudrait qu’ils s’adaptent s'ils veulent pouvoir lancer douze, quatorze ou seize épisodes. Cette évolution est amenée à se faire mais dans le temps car il s’agit d’une modification culturelle. En France, je le rappelle, nous sommes très attachés à la notion d’auteur.

Dans ce travail de conception des séries, le rôle du diffuseur est de connaître son public pour pouvoir mieux guider l’écriture de la série. Il ne faut jamais perdre de vu qu’on fabrique un programme pour qu’il soit regardé. Le clivage entre le scénariste et le responsable des programmes se situe là : l’objectif de l’auteur est de faire le meilleur programme sur la base de ses ressorts dramaturgiques : son intrigue, ses personnages… alors que l’objectif de la chaîne est que le programme s’adresse aux plus grand nombre de personnes. Certaines cases sont plus ouvertes à la diffusion de différents programmes. Doc Martin est un programme sur lequel TF1 a joué la carte de la nouveauté. Il est important d’aller chercher le public avec de nouveaux programmes, nous dit Nathalie Laurent.
Pour Hervé Hadmar, il existe une fracture entre les 15/35 ans et le public classique de la télévision qui est plus vieux. Pour cette frange du public, habituée aux séries américaines, la fiction française peut faire sourire. C’est sans doute lié au fait, qu’aujourd’hui, la télévision ne s’adresse pas à eux. Il n’y a pas de case dans la grille des programmes pour ce public là. France 4 avait lancé un appel à projet qui allait dans ce sens mais il a été annulé car il n’y avait pas d’argent derrière pour financer les projets.

La courte durée des séries empêche la formation des jeunes scénaristes. Dans le public, Sylvie Coquart, scénariste, a levé le problème car pour les jeunes scénaristes, il est important d’acquérir de l’expérience en travaillant dans des ateliers d’écriture. Or, il en existe peu car il y a peu de séries longues, d’autant plus que pour les chaînes, ce serait un coût supplémentaire qu’elles n’ont pas envie de s’imposer surtout si la série fonctionne très bien sans.

L'éveil des séries françaises ?

Après une courte pause, le troisième et dernier débat s’est ouvert par la présentation du baromètre de la création TV. Pas de grandes révélations si ce n’est que le public français aime la fiction française et la regarde. Pour Jean-Pierre Elkabache, l’animateur de cette dernière intervention, cette période de crise que nous traversons est favorable au repli national. Dans ce contexte, un constat, l’éveil des séries. Un éveil oui mais de quel type ? Deux mouvements s’opposent selon Bénédicte Lesage : industrialisation et création.

Les séries nordiques nous ont montré que les deux ne sont pas incompatibles. Elle en appelle à une politique qui s’engagerait à favoriser l’un ou l’autre. Ce qui est sûr, pour l’heure, c’est que le CNC s’engage à aider les producteurs et les chaînes à produire des séries plus longues pour qu’elles soient plus facilement exportables. Ainsi un bonus est accordé aux séries si la chaîne s’engage à se lancer dans la production de plus de six épisodes.
Pascal Rogard, directeur général de la SACD, affiche un point de vue pessimiste. Tout d’abord, il est effrayé du constat fait par Benoit Danard, sur les 25% de part de marché que font les chaînes de la TNT alors qu'elles ne s’investissent dans la production de programme qu’à hauteur de 0,3%. Rajouter des chaînes ne favorise pas le développement de la création. Par ailleurs, avec l’arrivée de la télévision connectée, ce sont les géants d’internet qui vont faire leur rentrée aux côtés de nos chaînes hertziennes.

Alors qu’elle a rejeté le projet ACTA, Pascal Rogard dénonce la commission européenne qui serait actuellement en train de préparer un grand marché transatlantique numérique, une zone de libre échange entre l’Europe et les Etats-Unis. Une révélation qui a obligé monsieur Brunet, de la commission européenne, à reprendre le micro pour essayer de contre-dire, sans vraiment le faire, cette information.

Une des inquiétudes qui a aussi été soulevée concerne la « script-réalité ». Ce programme mélange les codes du reportage, de la fiction et du flux pour en faire un programme extrêmement pauvre. Le concept est le suivant : raconter des histoires inspirées par des faits divers authentiques, mais interprétées par des comédiens. France 2 diffuse depuis le 25 juillet une émission qui reprend ce concept, Le jour où tout à basculé. Sa position par rapport à la définition de cet objet n’est pas très claire, c’est un ovni. Emmanuelle Guilbart, directrice générale de FTV se tourne vers Eric Garandeau pour répondre à cette question. Doit on considérer ces œuvres de « script réalité » comme des œuvres de stock ou de flux et surtout doivent elles avoir accès aux aides du CNC ? Même si ces œuvres s’appuient à la fois sur la fiction, le documentaire et le flux, elles sont avant tout des œuvres de fiction...

Pour terminer, le représentant de la Guilde des scénaristes a pris la parole pour déplorer l’absence de règles du jeu entre producteurs et scénaristes. Il a notamment dénoncé les mauvaises relations contractuelles qui passent en partie, par la déresponsabilisation artistique des producteurs. Des clauses d’acceptation diffuseur sont insérées dans les contrats ce qui obligent les auteurs à travailler sans être payés. Il souhaiterait qu’on regarde plus du côté anglo-saxon où il existe un accord entre créateurs et producteurs.

A l’image de cette dernière intervention, l’ultime débat de cette journée aura été mouvementé. Plusieurs questions auront cependant été soulevées tout au long de cette journée. La créativité des séries est non seulement liée à l’implication des politiques audiovisuelles mises en places mais surtout liée à l’investissement des chaînes. Une chose est sûr, les séries nordiques ont montré qu’il était possible de faire des séries créativement ambitieuses et populaires. L’exportation a aussi été une préoccupation importante lors de cette journée de la création TV. A ce niveau, les chaînes ont une nouvelle fois les clés en mains puisque si les séries françaises ont des difficultés à s’exporter, c‘est grandement lié au très faible nombre d’épisodes commandés en une saison. De leur côtés, les chaînes ont exposé leur préoccupation majeure, plaire à leur public. Pour répondre à cet objectif, nous avons vu que TF1 cherchait à reproduire ce qui marche alors qu’une chaîne comme France 2 tend à développer plus de projets pour élargir son public et se construire l’image d’une chaîne plus audacieuse en fiction.

Dans un contexte encore marqué par la crise, on se tourne vers l’étranger pour essayer de trouver des solutions à nos problèmes. L’année prochaine, les séries seront encore à l’honneur lors de cette journée de la création. L’événement a apparemment trouvé sa place...

Samuel Bilboulian


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INFORMATIONS
Date : 31/07/2012 à 19:27
Auteur :
Tags : débat festival serie séries fiction française
Catégorie : Bla Bla Bla
Sous-Catégorie : Festival


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